Une Europe qui protège : pourquoi les Français plébiscitent plus d’unité européenne ?

L’édito d’Amandine
Chers lecteurs,
La France traverse une nouvelle zone de turbulence institutionnelle et ceci n’est pas anodin. Car à chaque fois que l’incertitude s’installe, la confiance des citoyens vacille et l’économie se fragilise. Et cette vulnérabilité est exploitée par nos adversaires. La Russie orchestre par exemple une campagne d’influence méthodique pour attiser la colère sociale, en instrumentalisant la mobilisation annoncée du 10 septembre, à laquelle se prêtent certains courants d’extrême droite et d’extrême gauche.
Je pense qu’il nous faut demeurer lucides. La démocratie française est attaquée de l’extérieur, mais également sapée de l’intérieur par ceux-là même qui feignent de parler au nom du peuple… tout en ouvrant un boulevard aux puissances qui souhaitent notre affaiblissement.
Sauf que rien n’est écrit à ce jour. Les enquêtes européennes que vous allez découvrir dans la présente newsletter montrent l’aspiration plus de 90 % des citoyens à davantage d’unité et de coopération entre les États membres de l’Union européenne. Les Français, pourtant souvent décrits comme sceptiques, expriment eux aussi une attente claire de protection face aux inégalités, aux menaces sécuritaires et au dérèglement climatique. Autrement dit, ils réclament une Europe qui protège et une démocratie qui agit.
C’est précisément le combat que nous menons au sein des Voies. Il s'agit à la fois d’informer sur les fractures européennes, d’investir le terrain des municipales de 2026 comme laboratoire d’idées, de préparer 2027 avec une plateforme programmatique ambitieuse et tout cela participe d’un même objectif qui consiste à redonner au progressisme la force d’un projet puissant.
Dans les prochaines semaines, nous nous permettrons d’appeler à une mobilisation, la première, pour nous aider à soutenir financièrement nos actions, pour transformer vos idées en propositions politiques concrètes.
Le combat commence maintenant et nous avons besoin de vous pour le mener.
Amandine Rogeon, Présidente des Voies
Un été fervent, et on ne parle pas du climat
L’Europe écrasée par la chaleur ? C’est ce que l’on voudrait croire, face au degré d’inaction de Bruxelles ces deux derniers mois - dans un contexte pourtant de réchauffement des tensions avec les États-Unis et la Russie. On s’en souvient, le projet d’accord économique arraché par Ursula von der Leyen après des mois de discussion avec l’administration Trump résultait en une promesse d’acheter toujours plus de produits et services américains, de renoncer à certains irritants, tout cela pour arriver à la mise en place de droits de douane de 15%.
Dans le même temps, Trump reçoit Vladimir Poutine avec les honneurs à la mi-août, pour discuter d’un découpage de l’Ukraine, en l’absence des premiers intéressés et de l’Europe. Tout cela, alors que la Russie accélère ses bombardements d’infrastructures civiles.
Dans ce contexte, un député français appelle à fermer le ciel ukrainien : en réaction à la démultiplication des attaques par drônes visant des civiles, le député français Frédéric Petit appelle, avec un collectif, à une action renforcée de la France et d’autres pays européens pour lutter activement contre ces violations du droit international - rappelant que la France avait pu le faire en soutien à Israël contre l’Iran, ou même pour protéger des navires commerciaux des attaques des Houthis ces dernières années.
Enfin, dans la torpeur générale, le premier ministre slovaque s’affiche avec Kim Jong Un à un défilé militaire à Beijing le 3 septembre, en compagnie de Vladimir Poutine, sans que la nouvelle ne soit reprise avec indignation par la classe politique européenne. Ce défilé s’inscrit par ailleurs dans la continuité du sommet de Tianjin, qui a notamment réuni le 1er septembre les dirigeants non alignés des BRICS et de l’Organisation de coopération des Shanghaï pour appeler à une réforme de l’ONU.
On se réveille ? C’est ce que l’on veut croire. Au niveau du Parlement européen, la fronde gronde du côté des sociaux-démocrates, qui ont signifié à la Commission européenne que le projet d’accord avec les États-Unis ne serait pas approuvé aussi facilement que cela. Dans le même temps, la France et l’Allemagne ont acté leur rapprochement économique et politique dans une déclaration de quelque 26 pages listant des projets d’intérêt commun, et convoquant l’ensemble des États européens à un grand sommet sur la souveraineté en novembre de cette année.
90% des citoyens européens appellent à plus d’unité entre les États-Membres
C’est la conclusion du dernier Eurobaromètre, cette étude de l’équivalent européen de l’INSEE qui mesure les aspirations, priorités, et parfois les craintes des citoyens européens. Et les résultats de la dernière édition sont particulièrement parlants. Alors que les partis extrémistes français, et parfois certains modérés répètent à l’envie que la France devrait être “non-alignée”, que l’Europe ne sert qu’à écraser les citoyens et l’économie sous des normes sans objectif ni raison, ils ne pourraient être plus éloignés de la perception de leur électorat.
Les Français, tout comme le reste des Européens, sont plus de 90% à vouloir plus de coopération entre les États-Membres pour pouvoir agir sur les enjeux du moment. En France, ce sont 64% des citoyens qui estiment que le pays bénéficie de son adhésion à l’Union européenne, un pourcentage certes plus faible que pour le reste des européens (73%), mais qui n’en reste pas moins impressionnant.
Les Français dessinent de nouvelles priorités pour les années à venir. L’enjeu n°1 est pour eux de lutter contre l’inflation et la hausse du coût de la vie, alors même qu’elle s’est limitée à 1 % sur les douze derniers mois, contre 2 % dans l’Union européenne - une donnée qui doit interroger sur l’écart entre la perception que nous avons de notre propre situation, et la réalité. La lutte contre la pauvreté et l’exclusion arrive en deuxième place en France, suivie par la question de l’accès aux soins et la lutte contre le changement climatique.
L’optimisme atteint un niveau record, avec 66% des européens qui estiment que le futur de l’Union européenne va s'améliorer - et, chose surprenante, ce pourcentage monte à 72% des jeunes entre 15 et 24 ans !
Alors, que faire de ces données ? Déjà, écouter Mario Draghi. Cette étude trouve en effet un écho tout particulier dans l’actualité du moment, d’un pessimisme rare. Le 22 août dernier, Mario Draghi prenait la parole à Rimini en Italie, pour appeler à un changement de la trajectoire du continent. Dans son discours, il a rappelé l’importance des valeurs de l’Union européenne, et s’est indigné de son rôle de quasi-spectatrice dans les discussions avec les États-Unis, le massacre à Gaza, les négociations de paix en Ukraine. Pour l’ancien président du Conseil des Ministres Italien, la solution est duale, reposant sur la force de notre marché unique, et notre capacité d’innovation technologique.
Une fois n’est pas coutume, nous lui avons répondu dans un billet en soutien à cette vision de refondation, tout en rappelant l’importance de ne pas perdre de vue les besoins quotidiens des citoyens européens - une condition fondamentale à leur adhésion à ce projet commun.