Questions Aux Politiques, François-Xavier Bellamy

Chères lectrices, chers lecteurs, aujourd'hui l'épisode de la série Questions Aux Politiques concocté par Les Voies est consacré à François-Xavier Bellamy, philosophe et personnalité politique à la tête, pour la seconde fois consécutive, de la liste Les Républicains pour les élections européennes.

Le discours pour l’Europe et contre le reste du monde ?

Une Europe plus unie, plus souveraine et plus démocratique. C’est l’horizon qu’Emmanuel Macron s’était fixé il y a sept ans, lors de son discours de la Sorbonne. L’heure du bilan ayant sonné, le Président, dans son discours Sorbonne II de la semaine passée considérait que l’Union européenne avait réalisé des avancés colossales, fruit d’un travail collectif :

1. L’endettement commun de presque 800 milliards d’euros pour faire face à la crise du COVID.

2. L’unité stratégique qui lia les Etats membres dans le domaine de la santé, via la sécurisation des approvisionnements et la production de vaccins.

3. Le choix assumé de retrouver une stratégie d’autonomie, à la suite du Sommet de Versailles, qui permit d’avancer sur des sujets de souveraineté liés aux batteries, à l’électronique (semi-conducteurs) ou encore à l’hydrogène.

4. Les grands textes de planification et de régulation des transitions écologiques et numériques : Green Deal, DMA, DSA…

5. La protection des frontières « du dedans et du dehors » grâce au Pacte Asile et Migrations.

6. L’élargissement de l’Union européenne aux candidats, à condition de réformer en profondeur les règles de gouvernance actuelles, pour sauvegarder une Europe qui soit un ensemble cohérent.

Emmanuel Macron affirme clairement que la puissance de l'Union européenne repose sur l'exercice de la souveraineté. Cette position suscite des questions sur l'exclusion potentielle de la souveraineté des peuples et remet en question les fondements d'une Europe basée sur le principe d'un souverainisme partagé. Alors que l'idée d'une Europe fédéraliste gagne en popularité, quel est votre point de vue sur cette évolution ? Que pensez-vous par ailleurs de la stratégie diplomatique de la France vis-à-vis de ses partenaires européens ?

Dans son discours, le président Emmanuel Macron a souligné que l'Europe était confrontée à des défis graves, déclarant qu'elle était "mortelle" et que la question de la paix et de la guerre se jouait maintenant. Le constat dressé par le Président est-il juste, notamment lorsque l’on sait que l’Europe constitue un terrain de rivalités entre la Chine et les Etats-Unis ?Quid des autres Etats alliés oubliés du Président ? Considérez-vous que l'intégrité physique de l’Europe soit aujourd’hui en jeu ? Autrement dit et pour reprendre une formule du Président Macron, le choix de notre avenir se fait-il maintenant ?


Le choix et l’effet de la bombe

Vendredi dernier, une annonce retentissante a secoué le paysage politique français et européen. Le Président Emmanuel Macron a réaffirmé la nécessité d’ouvrir un débat quant à la position de la France sur l'utilisation de l'arme nucléaire, soulignant que celle-ci pouvait être déployée lorsque les intérêts vitaux du pays étaient menacés, tout en y ajoutant une dimension européenne. Emmanuel Macron estime que la dissuasion nucléaire française peut concourir à la crédibilité de la défense européenne. Cette déclaration s’inscrit dans la lignée des propos tenus en Suède, en janvier dernier, par le Président français qui exprimait déjà la volonté de la France de contribuer davantage à la défense du sol européen (tout en conservant sa spécificité). Cette évolution de la position française intervient dans un contexte où les alliés européens, notamment l'Allemagne, commencent à reconsidérer leur dépendance au bouclier américain, notamment en cas d'éventuel retour de Donald Trump au pouvoir et des incertitudes liées à la politique étrangère américaine,


A titre de rappel, la politique de dissuasion nucléaire française repose sur trois piliers essentiels depuis 1960 selon Bruno Tertrais, Chercheur en science politique, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique : la permanence, la suffisance et la souplesse. Ces principes sont cruciaux pour garantir la sécurité et l'indépendance de la France dans un environnement géostratégique complexe. Avec un arsenal estimé à environ 300 armes, la France se classe comme une puissance moyenne dans le domaine nucléaire, disposant de capacités suffisantes pour dissuader tout adversaire potentiel, tout en étant loin des arsenaux massifs des grandes puissances nucléaires comme les États-Unis et la Russie. Cette dissuasion s'articule autour de forces terrestres, aériennes et maritimes, avec notamment la présence de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et de chasseurs-bombardiers Rafale.

La dissuasion nucléaire française répond à plusieurs objectifs stratégiques. Elle vise à assurer la survie du pays en dissuadant toute agression majeure. Cela garantit également la liberté d'action de la France sur la scène internationale, en la protégeant contre toute tentative de coercition ou d'intervention extérieure. Cette politique de dissuasion s'inscrit à ce titre dans le cadre des engagements de défense pris par la France au sein de l'OTAN et envers ses alliés européens. Grâce à cette dissuasion, la France participe à renforcer la sécurité collective et à promouvoir une diplomatie indépendante, tout en assurant la crédibilité et le rayonnement de la politique étrangère française.

L'élaboration et l'évolution de la doctrine nucléaire française reflètent les évolutions politiques, stratégiques et technologiques du pays. Du général de Gaulle jusqu'à Emmanuel Macron, chaque président a apporté sa propre contribution à la définition de cette doctrine, en adaptant les moyens et les objectifs de la dissuasion aux réalités du monde contemporain. Malgré certaines idées reçues, la dissuasion nucléaire française demeure un élément central de l'identité politique et stratégique de la France, soutenue par des investissements significatifs qui contribuent également au développement de l'industrie de défense nationale. À moyen terme, la pérennité de cette dissuasion semble assurée, en réponse aux défis sécuritaires persistants et à l'évolution des rapports de forces internationaux.

Aujourd’hui, la France doit relever des défis technologiques en investissant dans des domaines tels que la vitesse hypersonique et la sécurité cybernétique pour maintenir l'efficacité de sa dissuasion nucléaire. Sur le plan politique, elle pourrait être amenée à envisager une garantie nucléaire formelle à ses voisins et alliés en cas de changement majeur dans la stratégie américaine. La guerre en Ukraine et la future élection de Donald Trump confirment la pertinence des forces de dissuasion, mais également la nécessité d'une adaptation constante aux évolutions géopolitiques pour assurer la sécurité nationale et régionale.


Monsieur Bellamy, alors que le Président Emmanuel Macron souhaite ouvrir le débat sur la possibilité pour la France d’offrir une garantie nucléaire formelle à ses voisins et alliés, vous considérez pour votre part que cela affaiblirait la défense française et remettrait en cause notre souveraineté. Pensez-vous que nos alliés jugent cette hypothèse crédible ? Les intérêts vitaux de l’Europe font-ils partie des intérêts vitaux de la France ? Pourriez-vous nous donner les différents scénarios auxquels nous serions confrontés si les États-Unis décidaient, par exemple avec le retour de Donald Trump au pouvoir, de changer radicalement leur stratégie et de laisser l'Europe faire face à ses défis seule ? La dissuasion nucléaire est au cœur de notre modèle de sécurité français. A votre sens Emmanuel Macron défend-il les intérêts de la France ou les intérêts de l’Europe ? Quelles conséquences en tirez-vous ?


Les défis rencontrés par nos démocraties

Lors de la dernière élection présidentielle Russe qui a eu lieu du 15 au 17 mars dernier,Vladimir Poutine a été réélu à la tête de la Fédération de Russie avec un score de 87%, pour un cinquième mandat présidentiel en pleine guerre contre l’Ukraine. François Xavier Bellamy, vous considérez que la Russie est une dictature et un adversaire de l’Europe au regard des principes et valeurs qu’elle défend. Quelles leçons pouvons-nous en tirer pour nos propres démocraties ? Devons-nous nous sentir concernés par l’état de nos démocraties européennes ?


Soutien à l’Ukraine

Vous estimez que la guerre en Ukraine a un responsable, Vladimir Poutine, et que le relativisme ne peut pas mener à considérer que les deux camps ont une part de responsabilité égale. Comment massifier le soutien des européens à l’Ukraine quand le sentiment qui domine aujourd’hui au sein des différents Etats membres est celui d’un soutien de l’Ukraine en armement ? Donald Tusk, le Premier ministre Polonais réclame désormais “moins de mots, plus d’actions”, êtes vous d’accord ?


L’accueil des réfugiés Ukrainiens sur le sol français. On estime aujourd’hui que près de 6 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays depuis le début de la guerre. La France se classe en dernière position, parmi les 27 Etats membres de l'Union européenne, en termes d'accueil des réfugiés ukrainiens en proportion de sa population - environ 68 000 personnes - soit trente fois moins que la Pologne par exemple. Monsieur Bellamy, pensez-vous que les Français se sentent suffisamment solidaires des Ukrainiens ? Considérez-vous que la solidarité d’accueil des réfugiés Ukrainiens soit une forme de soutien à l’Ukraine ?


Soutien à l’Ukraine, la question agricole ou de concurrence déloyale.Vous avez affirmé à plusieurs reprises que notre soutien à l’Ukraine ne pouvait pas se faire au détriment de nos propres agriculteurs, ajoutant que le jour où nous n'aurions plus la capacité de produire notre alimentation, nous serions entièrement dépendants de pays tiers. Selon vous, comment offrir un débouché commercial aux agriculteurs et productions ukrainiens via le marché européen, tout en remettant en cause les droits de douane appliqués à ce jour ? Pouvez-vous nous expliquer quel est le principe des clauses de sauvegarde que vous avez proposées au Parlement européen ? Faut-il à votre sens mettre à l’écart la volaille et le sucre pour que des filières agricoles entières soient protégées de l’accord que les institutions européennes ont conclu avec l’Ukraine ?


Elargissement et accueil

La question de l’élargissement lors de la prochaine mandature est de plus en plus prégnante au moment où nous célébrons les 20 ans de l’entrée dans l'Union européenne, en mai 2004, de Chypre, de la République tchèque, de l'Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la Slovaquie et de la Slovénie. A ce titre, le président du Conseil européen, Charles Michel, considère que l’Union européenne doit s’élargir au risque de faire face à un rideau de fer sur son flanc Est.

Pays officiellement candidats : la Serbie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, l'Albanie, la Turquie, l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie.

L'Union européenne a accepté d'entamer des négociations d'adhésion avec l'Ukraine à la fin de l’année 2023. Selon le sondage IPSOS- Euronews réalisé en mars 2024, l’Ukraine est le pays candidat à l’adhésion de l’UE préféré des européens. 45% des 26 000 personnes interrogées y sont favorables, 20% sont indécises et 35% y sont opposées. Si l’on se penche sur les résultats par pays, on observe 68% d’opinion favorable chez les finlandais, les portugais et les espagnols suivis par les suédois, les danois, les polonais, et les roumains. En revanche, en Hongrie 54% des interrogés s’opposent à l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne quand ils sont 44% en France. Êtes-vous personnellement favorable à l’adhésion d’une l’Ukraine agressée ou considérez-vous qu’il s’agisse d’une fausse promesse ? Estimez-vous que nos modèles sociaux, économiques et culturels sont alignés ? Pensez-vous que le statut d’Etat associé soit plus approprié ?


DES QUESTIONS EN BATAILLE

Minute CETA.Pensez-vous que le CETA soit un traité de libre échange favorable aux filières agricoles françaises ?

Réforme du marché européen de l’électricité et pouvoir d’achat.Vous avez dit que corréler le prix de l’électricité avec le prix du gaz était in fine une absurdité totale. Quel était l’objectif de cette réforme du marché européen de l’électricité ? Que préconisez-vous pour que le prix payé par le consommateur final se rapproche le plus possible du prix de production de l’électricité ?

L’inscription du droit à l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux.Vous considérez que ce n'est pas une question qui entre dans les compétences de l’Union européenne et qu’il faut se concentrer sur ce qui est réellement en danger. Que pensez-vous de la décision du tribunal constitutionnel polonais du 22 octobre 2020, qui interdit l’avortement en cas de malformation du fœtus ?

Présidence de la Commission européenne.Vous vous êtes opposés à la candidature d’Ursula von der Leyen au sein de votre groupe PPE. Cette dernière à toutefois été désignée candidate du PPE à sa succession à la tête de la Commission européenne. Par quelle personnalité politique auriez-vous souhaité être représenté ? Quelle est désormais votre stratégie ?

Conflits au Proche-Orient.Vous considérez que l’Etat d’Israël a aujourd’hui le devoir de se défendre à la suite de l’attaque du 7 octobre. Cette stratégie de défense respecte-t-elle le droit international ? Réclamez-vous un cessez-le-feu ? Quelles sont les responsabilités du Hamas et d’Israël dans la situation actuelle ?


Le Mouvement Les Voies vous dit à très bientôt pour de nouveaux épisodes épistolaires destinés à interroger les personnalités au centre de l'actualité politique.