Moldavie, tensions migratoires, extrême droite : panorama des défis européens actuels

Edito de la Présidente des Voies

Chers membres des Voies, chers amis,

Si l’Union européenne était une symphonie, Michel Barnier jouerait une partition assez décalée ces derniers temps. La proposition récente du Premier ministre de reculer la mise en application de certains textes européens qu’il juge « disproportionnés » n’est pas un simple ajustement technique. Elle reflète une ligne politique plus large, une vision de l'Europe qui se veut à la fois engagée, mais aussi prête à redéfinir ses contours au gré des priorités nationales. Cette approche suscite des interrogations profondes sur la place de la France dans l’édifice européen.

Rappelons que ce n'est pas la première fois que Michel Barnier tient des positions ambivalentes sur l’Europe. En 2021 déjà, lors des primaires du Parti Les Républicains, il évoquait un refus de se soumettre aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Pour un ancien commissaire européen, architecte du Brexit, cette déclaration avait déjà de quoi surprendre.

Quel sens donner à un moratoire sur des textes européens ? Pour Les Voies, l’Union européenne est fondée sur des valeurs partagées, où la solidarité et la responsabilité collective sont les piliers du projet européen. Déclarer un moratoire, c’est retarder son action et c’est affaiblir l’Europe.

Le projet européen est, par essence, un projet de transformation, de dépassement des intérêts strictement nationaux. En émettant la possibilité de moratoires, Michel Barnier semble sous-estimer l’impact politique et symbolique de telles décisions. Reculer face à l’Union, c’est avant tout envoyer un message de désengagement, un signal à peine voilé que les intérêts de court terme priment sur la vision collective de long terme. Nous réaffirmons qu'une Union forte repose sur l’engagement résolu de ses membres à respecter les décisions collectives, même lorsque ces dernières contrarient temporairement certains intérêts nationaux.

Nous avons besoin d'une Europe qui avance avec audace. Car c’est dans l’unité, et sans atermoiement, que nous construirons l’avenir que mérite notre continent.

Amandine ROGEON

Du point de vue des Etats

Moldavie / Union Européenne : la nuit la plus longue. Ce dimanche 20 octobre, les moldaves étaient appelés aux urnes pour deux votes d’importance : les élections présidentielles ainsi qu’un référendum sur l’adhésion à l’Union européenne. Il s’agit d’une échéance importante pour l’enclave, qui détermine sa capacité à s’affranchir durablement de Moscou et à limiter, dans le cas d’une adhésion, les risques d’agression directe par la Russie.

Si la Présidente sortante, la pro-européenne Maia Sandu est arrivée sans surprise en tête du premier suffrage et affrontera son opposant pro-russe lors d’un deuxième tour le 3 novembre, la situation a été beaucoup plus tendue dans le cas du référendum : le oui ne l’emporte qu’avec 50,3% des voix, au terme d’une longue nuit de décompte et grâce aux voix des moldaves expatriés à l’étranger. Ce point d’équilibre n’est pas très étonnant, la Moldavie ayant été la cible d’ingérences russes particulièrement importantes ces derniers temps - déjà condamnées par le Parlement européen le 9 octobre et le Conseil européen le 17 octobre dernier.

Ces élections ne s’arrêtent pas là : le deuxième tour des élections présidentielles s’annonce tendu, et les experts sur la situation Moldave n’excluent pas la survenue d’insurrections, comme ce fut le cas en Ukraine en 2014.

Vers une interdiction de l'AfD ? Un petit groupe de parlementaires allemands, issus de divers groupes politiques, a lancé la semaine dernière une campagne pour déposer une motion auprès du Tribunal constitutionnel fédéral, demandant l'examen de la constitutionnalité du parti d'extrême droite AfD.

Si ce sujet est sur la table depuis un petit moment, il a franchi un point de non-retour lors de la récente session constitutive du Parlement de Thuringe. Et pour cause : Jürgen Treutler, membre de l'AfD et doyen de l'assemblée, a exacerbé les tensions en refusant de donner la parole aux autres groupes politiques et en bloquant une révision de l'ordre du jour qui aurait permis de porter au suffrage des propositions alternatives de chef du Gouvernement de la région. Cette situation a conduit à une nouvelle saisine du Tribunal constitutionnel.

La route sera longue, certains poids lourds des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates ayant déclaré s’opposer à cette manœuvre. La question mérite pourtant d’être posée, les membres de l’AfD s’illustrant régulièrement avec des déclarations négationnistes, des propositions manifestement anticonstitutionnelles telle que la proposition de constitution d’une catégorie de « citoyens de deuxième zone », ou encore des scandales d’espionnage au profit de la République Populaire de Chine liés à la tête de liste du parti pour les élections européennes.

Du côté de Bruxelles

17 octobre, journée chargée à Bruxelles avec la tenue du Sommet du Conseil européen, qui a donné lieu à une déclaration conjointe. Fait notable : plus de la moitié de cette déclaration se concentre sur les affaires internationales, à savoir la guerre d'agression menée par la Russie en Ukraine et l’escalade militaire au Moyen-Orient.

La question migratoire occupe également une place de choix, avec un point d’attention porté à la question de la sécurité des pays-tiers d’origine et de transit afin de réguler les flux migratoires de manière accrue. Dans ce contexte, le Conseil a appelé à ce que la Commission européenne propose une nouvelle initiative législative, et ce quand bien même les mesures du Pacte migratoire adopté il y a moins d’un an n’ont toujours pas été mises en application - et n’ont par conséquent pas pu montrer leurs effets.

Enfin, en matière de compétitivité, le Conseil a appelé les Etats à accélérer leurs travaux de réflexion autour des rapports Draghi et Letta en vue d’une réunion à Budapest en novembre.

Premier sommet des Patriotes pour l’Europe : la professionnalisation de l’extrême droite est en marche, avec le sommet du groupe Patriotes pour l’Europe qui s’est tenu le 17 octobre - reprenant ainsi la tradition des partis traditionnels d’organiser une convention en parallèle du Sommet du Conseil européen. A l’occasion d’une déclaration commune, reprenant les éléments de langage du Rassemblement National en s’auto-déclarant le « premier parti d’opposition », le groupe parlementaire a appelé à un durcissement des règles migratoires, et a réitéré son soutien à Matteo Salvini actuellement mis en cause pour sa non-application présumée du devoir de sauvetage en mer.

Procédure de divorce symbolique entre la France Insoumise et les Communistes au Parlement européen : Manon Aubry travaille d’arrache-pieds à la constitution d’un nouveau parti européen dans le but d’acter une séparation symbolique avec les différents partis communistes européens, arguant de différences de méthode et de vision. Accompagnée d’au moins cinq autres partis nationaux, parmi lesquels les Espagnols de Podemos, elle n’entend cependant pas quitter le groupe parlementaire de La Gauche, qu’elle co-préside par ailleurs. L’idée est toute autre : renforcer la position en interne au groupe de ce nouveau courant politique, mais également recevoir des financements publics en propre.