Newsletter #5

Du point de vue des Etats

Que savons nous des politiques nationales bulgares, estoniennes ou autrichiennes ? Toutes les deux semaines, focus sur les évolutions politiques des Etats-Membres, qui sous-tendent bien souvent les dynamiques européennes.

Agressions de plusieurs politiques allemands : période noire en Allemagne, avec l’agression violente, le 7 mai de Franziska Giffey, Sénatrice de Berlin, le 3 mai de Matthias Ecke, eurodéputé social-démocrate allemand, qui a dû être opéré, ou encore le 2 mai du député Kai Gehring, des Verts. Selon Le Monde, ces violences spectaculaires ne sont que les dernières d’une longue lignée d’augmentation des agressions contre des politiques allemands : 2 790 recensées en 2023, contre 1 806 en 2022, principalement à l’encontre de personnalités issues des rangs des Verts. Ces actes ont été condamnés avec une grande fermeté par les pouvoirs publics, le président du Parti Social-Démocrate allant jusqu’à pointer du doigt l’extrême droite allemande responsable selon lui d’un « climat dans le pays qui pousse d’autres personnes à s’en prendre à des militants et des responsables politiques ».

En Suède, une édition très particulière de l’Eurovision : la 68ème édition du concours de la chanson réunissant des chanteurs de l’ensemble des 37 pays représentés au sein de l’Union Européenne de Radio-télévision (UER) se déroule actuellement à Malmö, en Suède, dans un climat très particulier. Si le concours se veut en effet toujours très apolitique, les critiques quant au maintien de la candidature israélienne ont beaucoup fusé ces derniers mois, et les services de sécurité tant physiques que numériques ont dû être très largement renforcés afin d’assurer une diffusion sereine des différentes épreuves. Au programme de cette année, on retrouve en vrac une ode néerlandaise à l’Union européenne, de la pop-folk arménienne, ou encore du rock sombre en provenance de Tchéquie. La finale sera diffusée en France samedi soir sur France 2 et commentée par Stéphane Bern et Laurence Boccolini.

Remise du prix Innovation in Politics dans la catégorie Cohésion Sociale à la solution estonienne Food Card : la cérémonie de remise des prix de l’Institut « Innovation in Politics » a eu lieu le 2 mai dernier à Barcelone, et a permis de distinguer l’initiative estonienne Food Card. Lancée graduellement entre avril et décembre 2023, la Food Card arrive progressivement en complément des systèmes d’aides à l’alimentation et bénéficie déjà à près de trente mille estoniens dans des situations de grande précarité (sur une population totale de 1,3 millions de citoyens). Le système en vigueur précédemment consistait en une remise trimestrielle d’un panier alimentaire, contenant des produits secs et des conserves. Depuis, les détenteurs de la Food Card disposent en plus d’un budget trimestriel de quelques dizaines d’euros pouvant être utilisé en supermarché pour acheter les produits de leur choix, dont des produits frais. Selon la ministre des Affaires sociales Tea Varrak, les premières statistiques sont prometteuses : les bénéficiaires du service achètent principalement des fruits, légumes et viandes, pour un total bien plus équilibré sur le plan alimentaire. 

Grève des journalistes de la RAI en Italie : la triste expérience en matière de liberté de la presse en Hongrie semble se répéter en Italie, avec un contrôle de plus en plus important de la part du Gouvernement Meloni sur le programme éditorial de la RAI, le diffuseur audiovisuel public italien. Le 79ème anniversaire de la libération de l’Italie du fascisme, célébré chaque année le 25 avril, a été un élément déclencheur avec l’annulation en dernière minute de l’intervention de l’auteur Antonio Scrutati, qui devait intervenir sur RAI 3 pour revenir sur les huit dernières décennies et les évolutions de l’Italie depuis la chute du fascisme, tout en mettant en perspective ces thématiques à la lumière des actions du nouveau Gouvernement marqué à l’extrême droite. A la suite de cette annulation, une grève des journalistes de la RAI a été entamée. 

A 30 jours des élections

À moins d’un mois des élections européennes, suivons les faits marquants de cette période électorale hors du commun.

Le débat de Maastricht apporte une certaine confusion : à l’occasion d’un débat entre les têtes de listes européennes, l’actuelle Présidente de la Commission européenne candidate à sa propre réélection, Ursula von der Leyen, a refusé de fermer la porte à une coopération avec le groupe des Conservateurs et Réformistes Européen (ECR), qui compte parmi ses rangs le parti de Giorgia Meloni ainsi que le parti d’extrême droite polonais PiS. Eurosceptique et présidé par un Brexiter, l’ECR se classe en fonction des sources, à la droite dure ou à l’extrême droite de l’échiquier politique. La déclaration d’Ursula von der Leyen n’est donc, sans surprise, pas du tout passée vis-à-vis de ses partenaires habituels et en particulier du côté des sociaux-démocrates, qui ont publié une déclaration signée notamment par le chancelier Allemand Olaf Scholz ou le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez. Cette déclaration rappelle les risques posés par l’extrême droite en matière de droits fondamentaux, mais également de défense de l’Union européenne en période de guerre, et appelle les autres partis politiques à se positionner clairement contre une telle coalition. 

Les sanctions contre la Russie vont bon train : l’Europe s’est attaquée à deux sujets sensibles : la question du gaz russe, et celle du devenir des avoirs gelés lors de précédents trains de sanctions. Sur le premier point, l’équilibre à trouver est extrêmement délicat. Dans un contexte d’augmentation du prix de l’énergie, et d’inflation au global, toucher à l’export du gaz russe, ou plus précisément du gaz naturel liquéfié (LNG), représente en effet un véritable nœud gordien. Afin de ne pas pénaliser trop durement certains Etats qui, comme la Hongrie, sont fortement dépendants de cette source d’énergie, la Commission européenne a proposé de bannir les réexportations de gaz, estimant ainsi toucher près d’un quart des profits que le LNG génère en Russie. Si la mesure peut sembler faible, elle constitue en réalité un véritable changement de paradigme, les Etats-Membres ayant toujours refusé d’aborder la question dans le fond. 

Concernant le sujet des avoirs russes gelés par les sanctions européennes, les Etats-Membres se sont mis d’accord pour flécher les intérêts générés, estimés à près de 3 millions par an, vers la défense ukrainienne et l’aide humanitaire. Il s’agit là d’une décision majeure car de nombreux Etats ne souhaitaient pas donner suite aux injonctions de Washington d’utiliser les intérêts des avoirs, craignant des répercussions juridiques et fiscales sur le long terme.

La personnalité de la semaine

Focus sur ces hommes et ces femmes, encore trop méconnus, qui ont participé à la construction de l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Robert Schuman : en ce lendemain de journée de l’Europe, célébrée le 9 mai en commémoration du discours de l’Horloge, revenons ensemble sur la vie de Robert Schuman. Né en 1886 à Luxembourg, de nationalité allemande puis française en raison du retour en 1919 de l’Alsace-Lorraine à la France, ce juriste de formation devient député de la Moselle la même année. Il reprendra cette fonction après la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il aura été tour à tour brièvement ministre sous Pétain, arrêté par la Gestapo, puis fugitif. Frappé originellement d’inéligibilité, en raison de ses précédentes fonctions, il est gracié en 1945 et devient ministre des Finances en 1946 sous le Gouvernement provisoire. 

En 1947, il devient chef du Gouvernement sous Vincent Auriol, et de 1948 à 1952 il exerce par ailleurs les fonctions de ministre des Affaires étrangères. Durant cette période, il s’engage corps et âme dans la construction européenne, aux côtés notamment de Jean Monnet et de Konrad Adenauer. C’est ainsi que naît le plan Schuman, présenté le 9 mai 1950, et ébauche de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier. Ce plan, reposant sur le principe d’une solidarité de fait créée par la mise en commun de ressources préfigure l’Union Européenne et son marché unique que nous connaissons aujourd’hui, et qui a su démontrer une importance fondamentale en périodes de crises.

De 1958 à 1960, il devient le premier Président du Parlement européen, qui lui décerne à la fin de son mandat le titre devenu iconique de « Père de l’Europe ». Il se retire ensuite de la vie politique avant de décéder, à soixante-dix sept ans, en Moselle.

« L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. »

Discours du 9 mai 1950

Le saviez-vous ?

Dans chaque édition, devenez incollable au Trivial Pursuit en retrouvant des faits insolites sur les Etats-Membres de l’Union.

Irlande : comme vous avez pu le remarquer, cette semaine n’est pas seulement celle des longs ponts ou de la journée de l’Europe, mais surtout celle de la finale du concours de l’Eurovision. Et si la France n’est pas connue pour ses performances, l’Irlande détient de son côté un record impressionnant de sept victoires, dont trois consécutives de 1992 à 1994. Représentée par Bambie Thug cette année, l’Irlande fait partie des favoris et pourrait créer la surprise à Malmö samedi soir.