Newsletter #4

Du point de vue des Etats

Que savons nous des politiques nationales bulgares, estoniennes ou autrichiennes ? Toutes les deux semaines, focus sur les évolutions politiques des Etats-Membres, qui sous-tendent bien souvent les dynamiques européennes.

Espionnage à l’extrême droite, le retour : lors de notre dernière édition, nous vous dressions, dans les grandes lignes, le portrait d’un scandale d’espionnage russe en Autriche facilité par certains membres de l’extrême droite locale. C’est au tour de Maximilian Krah de se distinguer. La tête de liste du parti Alternative für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne, ou AfD), par ailleurs partenaire au Parlement européen du Rassemblement National, a employé pendant des années un assistant parlementaire à Bruxelles qui vient d’être arrêté sur fond de fortes suspicions pour avoir revendu des informations confidentielles à la Chine. L’enquête suit son cours, et Krah reste, en attendant, confortablement à la tête de liste de l’AfD.

Le courage politique allemand contre l’AfD : au fil des mois, la mobilisation allemande contre l’extrême droite s’intensifie. Si l’on se souvient bien des images impressionnantes de manifestations contre les projets d’une partie de l’AfD de procéder à la “remigration” d’allemands, il convient également de souligner l’engagement de certaines parties prenantes que l’on n’attendait pas forcément sur ce créneau. Ainsi, le 22 février dernier, la conférence des Évêques catholiques allemand publiait un manifeste indiquant l'incompatibilité du nationalisme et de la chrétienté (à retrouver ici en anglais). De même, certains secteurs économiques comme le numérique, se sont fendus de communiqués de presse expliquant clairement qu’ils refuseraient de coopérer avec des parlementaires et représentants de l’AfD. 

Hasta luego Pedro ? La surprise est complète. Mardi 24 avril au soir, le Premier Ministre socialiste Pedro Sanchez a publié sur ses réseaux une “lettre aux citoyens” dans laquelle il indiquait faire l’objet de pressions et de harcèlement de plus en plus prononcés de la part de l’extrême droite, et qu’il souhaitait se donner jusqu’à lundi pour décider, ou non, de démissionner de son poste. La goutte d’eau viendrait d’une procédure ouverte, puis finalement refermée, contre son épouse sur la base de ouï-dires de corruption et de trafic d’influence relayés par un collectif d'ultra droite Manos Limpias (les “mains propres”), connu pour son habitude de multiplier les procédures abusives contre des entreprises ou des personnes privées, et de se retirer systématiquement contre versement d’une somme d’argent plus ou moins importante. 

Liberté des médias en Europe Centrale : Le Comité pour l’indépendance éditoriale (Committee for Editorial Independence, CEI), un organisme tchèque travaillant sur l’indépendance des médias, a publié la deuxième édition de son sondage sur la liberté des médias dans les pays du Visegrád (Hongrie, Pologne, Tchéquie et Slovaquie). Sans surprise, les citoyens de ces États expriment une inquiétude croissante quant à l’influence de la Russie dans la sphère médiatique, et soutiennent majoritairement la politique de l’Union Européenne de sanctionner les Etats qui ne respectent pas la liberté des médias. 

A un mois et demi des élections

A l’avant veille des élections européennes suivons les faits marquants de cette période électorale hors du commun.

Alerte phobie administrative : la date limite pour l’inscription sur les listes électorales approche ! Pensez à vérifier ici que vous êtes bien inscrits. Pour les retardataires, le service en ligne se clôt le 1er mai, et le 3 mai si vous passez par un formulaire papier. Si vous avez besoin d’une procuration, pas de panique, et rendez-vous sur https://maprocuration.gouv.fr.

Qui veut diriger la Commission ? La réponse à cette question nous paraissait assez simple il y a encore quelques semaines, la Présidente actuelle étant candidate à sa propre réélection, et disposant à l’époque d’un soutien assez transverse. Néanmoins, des scandales plus ou moins récents refont surface (souvenez vous du Pfizer-Gate), contribuant à fortement réduire la popularité d’Ursula von der Leyen. 

Le PPE reste en tête des sondages, ce qui signifie que la prochaine personne à occuper la Présidence sera sans doute issue de leurs rangs. Si quelques noms alternatifs commencent à circuler, tel que celui de Mario Draghi qui a délivré un discours remarqué à la Conférence de la Hulpe la semaine dernière, appelant à des changements radicaux dans notre manière de construire l’Europe, il est encore bien trop tôt pour délivrer un pronostic clair. 

En France, la course aux programmes. Il aura eu ce mérite : en finissant par entrer en campagne pour son camp, et en délivrant son remarqué deuxième discours de la Sorbonne sur l’avenir de l’Europe le 25 avril, Emmanuel Macron aura eu un petit effet poussoir en amenant d’autres partis à détailler leurs programmes de campagne. Ainsi, Raphaël Glucksmann (PS/Place Publique) a présenté son propre programme le 24 avril, et Jordan Bardella a tenu à présenter les grandes lignes du projet du RN pour l’Europe quelques heures après le Président de la République. Marie Toussaint, de son côté, devrait se prêter au même exercice le mardi 30 avril prochain. 

La personnalité de la semaine

Focus sur ces hommes et ces femmes, encore trop méconnus, qui ont participé à la construction de l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Jean Monnet : fierté picto-charentaise, Jean Monnet a seulement 26 ans au début de la Première Guerre mondiale, durant laquelle il se distingue en effectuant le tour de force de convaincre français et anglais de coordonner la gestion de leurs ressources de guerre. A 31 ans, il devient le premier Secrétaire général adjoint de la Société des Nations, avant de se tourner vers le commerce international, jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. En 1939, il réussit à convaincre Churchill et de Gaulle d’unir la France et le Royaume uni via une fusion des deux Etats respectifs, projet ayant toutefois avorté avec l’accession au pouvoir de Pétain. 

A la suite de la guerre, et en plein plan de reconstruction de la France et de l’Allemagne, il propose le projet de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) afin de lier les deux pays autour d’une mise en commun de ces ressources, pour éviter toute guerre future. Il devient Président de la CECA de 1952 à 1955, et démissionne pour créer le Comité d’Action pour les Etats-Unis d’Europe, poussant le projet d’une Europe fédéraliste.

Cette ambition, qui n’a pas encore vu le jour, trouve un réel écho aujourd’hui - non plus dans une simple optique de pouvoir commercial, mais dans un contexte de risque de retour à des conflits généralisés. Le discours prononcé par Jean Monnet le 17 mai 1953 est d’une actualité prégnante :

Actuellement, les antagonismes nationalistes, les malentendus et l’incompréhension entre les peuples, le soupçon, subsistent. Le mystère entoure les travaux de l’immense Russie et la puissance des armes nouvelles.

Aujourd’hui, la paix ne dépend pas seulement des traités ou d’engagements. Elle dépend essentiellement de la création de conditions qui, si elles ne changent pas la nature des hommes, orientent dans un sens pacifique leur comportement vis-à-vis les uns des autres. C’est là une des conséquences essentielles de la transformation de l’Europe qui est l’objet de notre communauté.

En réalisant leur unité, en rendant à l’Europe sa vigueur, en créant des conditions nouvelles et durables, les Européens contribuent à la paix. Ils empêchent l’engrenage fatal dans lequel, s’ils restaient désunis, et quels que soient les traités conclus, les effets de leurs actions opposées et de leur faiblesse les entraîneraient avec les autres peuples.

Le saviez-vous ?

Dans chaque édition, devenez incollable au Trivial Pursuit en retrouvant des faits insolites sur les Etats-Membres de l’Union.

Slovaquie : Ces dernières semaines, nous nous sommes penchés sur la situation politique tourmentée de ce pays, ex-membre de la Tchécoslovaquie. Sa capitale, Bratislava, présente une spécificité unique : celle d’être directement au contact des frontières autrichiennes et hongroises, faisant de cette ville un point de passage important. Il n’est donc pas très étonnant que Bratislava ait été le point de départ le 16 novembre 1989 de la révolution de velours, remarquable mouvement populaire ayant mené à la chute du parti communiste tchécoslovaque et à la fin de la république socialiste tchécoslovaque.