Newsletter #2

Du point de vue des Etats

Que savons nous des politiques nationales bulgares, estoniennes ou autrichiennes ? Toutes les deux semaines, focus sur les évolutions politiques des Etats-Membres, qui sous-tendent bien souvent les dynamiques européennes.

Fidesz-leaks : c’est une saga qui passionne la Hongrie. Péter Magyar, haut fonctionnaire, avocat, diplomate et membre de Fidesz, le parti de Viktor Orban, a consommé son divorce au sens double ces dernières semaines en lançant le 15 mars, jour de la fête nationale hongroise, un nouveau parti d’opposition “Debout Hongrois”, marqué centre droit. Et qui, cette semaine, a divulgué un enregistrement de son ex-épouse, l’ancienne ministre de la Justice Judit Varga, mettant en évidence des manipulations orchestrées par le Gouvernement dans le cadre d’une enquête pour corruption. Indiquant qu’il dispose d’autres enregistrements, cet insider entend lever le voile sur de nombreuses affaires d’Etat, mais également proposer un programme politique comprenant notamment la restauration du Ministère de l’Education, ou encore l’indépendance de l’audiovisuel public. Entre engouement et scepticisme de la part des hongrois, ce quarantenaire fait également face à de nombreuses contre-attaques violentes de la part du régime Orban, étant notamment accusé de violences domestiques. S’il réussit à faire face, son mouvement nouvellement créé pourrait avoir de bonnes chances de s’implanter de manière crédible en Hongrie, en vue des élections législatives pour l’instant prévues en 2026.

La chute de Mariya Gabriel : petite onde de choc dans le monde des affaires européennes, avec l’annonce du retrait de l’ancienne Commissaire Mariya Gabriel, candidate au poste de Premier Ministre bulgare. Le 22 mai 2023, à la suite d’une longue période d’instabilité électorale, le parti de centre-droit de Gabriel, “Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie” ainsi que l’alliance des partis “Nous continuons le changement” et “Bulgarie Démocratique” avaient annoncé la formation d’un gouvernement de coalition reposant sur la rotation du poste de Premier Ministre. Ainsi, ces neuf derniers mois, le Gouvernement avait été dirigé par Nikolai Denkov (“Nous continuons le changement”), qui devait théoriquement passer le flambeau à sa Ministre des affaires étrangères - Maryia Gabriel. Cependant, après de nombreuses semaines de négociations mouvementées quant à la composition de son nouveau Gouvernement, Gabriel a dû jeter l’éponge le 25 mars face à une action “coordonnée”, selon elle, de 11 ministres sur 19. 

Vers une crise institutionnelle en Bulgarie ? La succession s’annonce délicate : le Président bulgare, Roumen Radev, doit nommer un Premier Ministre par intérim jusqu’aux élections législatives anticipées, et ce parmi une liste restreinte aux neuf postes les plus importants de l’Etat. Sur les neufs, les volontaires sont peu nombreux, quand certains commencent même à annoncer officiellement qu’ils ne souhaitent pas se porter candidats. Ainsi, deux jours après l’annonce de Gabriel, Elena Cherneva-Markova et de Diana Kovacheva, à la tête de l’équivalent bulgare du Défenseur des Droits, pourtant appréciées et favorites, ont annoncé qu’elles ne souhaitaient pas être considérées comme candidates. 

Slovaquie - un nouvel espoir : les jeux semblaient faits jusqu’à la semaine dernière au sujet des élections présidentielles slovaques. En effet, le pays avait mis la barre à l’extrême gauche en septembre dernier, en confiant une majorité parlementaire au SMER-SD (“Direction - Démocratie Sociale”), un parti de gauche pro-Poutine populiste dirigé par Robert Fico, devenu par la même Premier Ministre. Depuis, les alertes relatives à la question de l'État de droit en Slovaquie se multiplient. Ainsi, pas plus tard que le 26 mars, la Directrice de l’audiovisuel public suédois s’émouvait des tentatives de Fico de mettre la main sur le diffuseur public RTVS, et de la mise à mal du système judiciaire slovaque. Dans ce contexte très tendu, une lueur d’espoir subsiste néanmoins : nous sommes actuellement dans un entre-deux tours d’élections présidentielles à hauts risques, le futur Président de la République disposant en effet d’un droit de veto à même de limiter les dérives de Fico. Et, fait inattendu, le candidat du SMER-SD Peter Pellegrini a été devancé par le candidat pro-européen Ivan Korcok par plus de dix points. Le second tour aura lieu le 6 avril.

Le kahvi*, recette du bonheur ? Consécration pour la Finlande, reconnue cette année encore et pour la septième année consécutive comme le pays le plus heureux au monde par le World Happiness Report. Une nouvelle qui peut prêter à sourire, mais qui doit surtout servir d’inspiration lorsqu’on sait que le pays dispose d’une frontière de 1340 kilomètres avec la Russie et doit, de ce fait, conduire régulièrement des exercices militaires grandeur nature dûs au risque d’invasion. La résilience et l’optimisme finlandais nous interrogent, et nous obligent. 

* pause café finlandaise

A 72 jours des élections

A l’avant veille des élections européennes (pensez à aller voter le 9 juin ou à déposer une demande de procuration sur https://maprocuration.gouv.fr) suivons les faits marquants de cette période électorale hors du commun.

Edition sondagière : une fois n’est pas coutume, les enquêtes d’opinion dominent cette section de notre lettre et illustrent une situation inquiétante, qui semble annoncer la consécration des partis d’extrême droite, malgré des initiatives prometteuses des progressistes de tout bord. 

L’Eurobaromètre indique une dépression : sobrement intitulé “tendances socio-démographiques”, l’édition 2024 de l’Eurobaromètre consacrée à la confiance dans les institutions a de quoi faire déprimer. Ainsi, l’image qu’ont l’ensemble des européens des institutions à la fois européennes et nationales n’arrive pas à repartir à la hausse, et on ne peut que se désoler du fait que la France soit constamment en dessous de la moyenne européenne. Par exemple, 36% des sondés français estimant avoir une image positive de l’Union, contre une moyenne de 45% des citoyens européens. 

Des chiffres qui interrogent : nous constatons avec surprise que certaines données semblent incohérentes : ainsi, 70% des Français estiment que la France bénéficie de son adhésion au sein de l’Union, mais seuls 56% pensent que cette même adhésion est “une bonne chose”. Complexité dans la manière de poser les questions ? Ou manque de connaissances et d’intérêt pour la chose européenne ? Dans tous les cas, la sonnette d’alarme est tirée depuis longtemps et il est temps de passer à l’action. 

L’extrême droite reste à 36% : selon un sondage Toluna-Harris Interactive paru ce mercredi, les intentions de vote se suivent et se ressemblent. Le RN est toujours crédité de 30% des intentions de vote, loin devant la liste Renaissance, à 18%. La liste Socialiste, portée par Raphaël Glucksmann, confirme son statut de première force de gauche, avec 12% d’intentions de vote contre 7% respectivement pour les listes Les Écologistes et LFI. Les Républicains atteignent également les 7%, peinant à devancer Reconquête et ses 6%. On note également que ce sont les électeurs des listes Rassemblement National et Renaissance qui sont les plus certains d’aller voter, puisqu’ils sont environ 70% à envisager le déplacement vers les urnes, loin devant les Écologistes, derniers du classement avec 46% d’intentions. Par ailleurs, la tendance inquiétante de l’éloignement des 18-24 du vote se confirme : seulement 33% des électeurs de cette tranche d’âge envisageant de se rendre à l'isoloir.

La personnalité de la semaine

Focus sur ces hommes et ces femmes, encore trop méconnus, qui ont participé à la construction de l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Paul-Henri Spaak : père du traité de Rome et du Benelux, ce socialiste belge est né en 1899, au tournant du siècle, à Schaerbeek. Juriste de formation, plusieurs fois premier ministre belge et ministre des affaires étrangères, il théorise durant son exil à Londres à partir de 1940 le principe d’une coopération économique et commerciale entre Etats sur une base contractuelle, seule à même selon lui de garantir une paix durable. Son projet se concrétise en 1944 avec la création de l’union douanière du Benelux, et il continue de porter ces idées en devenant le président de la première Assemblée générale des Nations Unies en 1946, et en tant que Secrétaire Général de l’Otan de 1957 à 1961. 

La conférence de Messine de 1955 représente un nouveau tournant important pour Paul-Henri Spaak, comme pour près de 450 millions d’habitants en Europe aujourd’hui. Il est, en effet, nommé président du groupe de travail chargé de conceptualiser un traité, qui deviendra en 1957 le Traité de Rome, qui institue la Communauté économique européenne, et visant à “établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens” (préambule). Lors de son discours à l’occasion de la signature du traité, il tiendra ces propos :

Et voici maintenant que nous achevons la première étape de notre œuvre, celle de la décision. Nous voudrions la livrer à la jeunesse de nos pays, parce qu’elle réalise les promesses de l’avenir.

Le saviez-vous ?

Dans chaque édition, devenez incollable au Trivial Pursuit en retrouvant des faits insolites sur les Etats-Membres de l’Union.

Allemagne : “Les entretiens édifiants du mois”, ça vous dit quelque chose ? Publiée de manière mensuelle entre 1663 et 1668 au sein du Saint Empire Romain-Germanique, devenu depuis Allemagne, cette publication périodique de poèmes philosophiques est considérée comme le premier magazine au monde. En langue originale, les Erbauliche Monaths Unterredungen ont suscité un réel enthousiasme en Europe, inspirant la création de revues similaires telles que le Journal des Sçavans en France, dont la publication débute en 1665 instituée par le français Denis de Sallo, perdurant jusqu’à aujourd’hui.