L'Europe en mutation : élections allemandes, sécurité balte et résilience climatique
Edito de la Présidente des Voies
Chers membres des Voies, chers amis,
La nomination du nouveau gouvernement français marque un tournant qui ressemble à un « retour vers le futur », mais nous ramène plutôt aux années Sarkozy. Souvenez-vous : l’hyperprésidence glorifiée, les débats passionnés sur « l’identité nationale », ou encore la fameuse règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Tout un programme.
L’actualité en Allemagne a également été riche, puisque notre partenaire historique a décidé de la fermeture de ses frontières à la suite des résultats de l’AfD aux dernières élections, sacrifiant au passage les principes fondateurs de l’Union européenne. Ce repli intervient alors que le rapport Draghi souligne justement l'urgence de renforcer l’UE dans toutes ses composantes, avec une logique de coopération et d’union prépondérantes.
Notre société est fragile et nous ne pouvons nous permettre de figer les institutions dans des logiques révolues. Nous avons besoin d'une Europe plus innovante et fraternelle pour relever les défis globaux qui se multiplient. En France, comme à Bruxelles, nous alertons sur cette concentration d’un personnel politique conservateur qui risque d’étouffer toute avancée progressiste. Je refuse toutefois de céder à tout fatalisme. Je considère que nous devons rester vigilants et avons le devoir d’ouvrir des perspectives nouvelles, c’est le sens de notre engagement au sein du mouvement Les Voies
Il est essentiel, plus que jamais, de tirer les leçons du passé pour construire un avenir plus juste et plus solidaire. Les Voies porte cette conviction : l’espoir et l’action citoyenne peuvent ouvrir la voie à une Europe renouvelée, où chacun trouve sa place.
Amandine Rogeon
Du point de vue des Etats
L’Allemagne renonce, pour l’instant, à ses engagements européens. Quelques jours à peine après la victoire du parti d’extrême droite AfD et des scores impressionnants du parti d’extrême-gauche anti-immigrationniste BSW en Thuringe, Olaf Scholz a annoncé la mise en place d’un contrôle aux frontières de l’Allemagne - en parfaite contradiction donc avec le principe européen de la liberté de mouvement (vous savez la fameuse libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux…). Les critiques internes et externes ont fusées de toute part, Donald Tusk, premier Ministre de la Pologne, s’inquiétant notamment de cette suspension de fait des accords de Schengen.
Le Brandebourg, dans la foulée, appuie encore le tournant politique majeur pris en Allemagne. Avec un SPD en tête à 30,7 % et une AfD à 29,4 %, proche d’une minorité de blocage, le paysage politique allemand est bouleversé. L’émergence de l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) à 13,4 % révèle une poussée populiste inédite à gauche comme à droite. Tandis que la CDU s'effondre à un niveau historiquement bas (12,1 %) et que les Verts échouent à entrer au Landtag. La seule coalition arithmétiquement possible implique désormais le SPD et le BSW, ouvrant la voie à des négociations tendues, notamment sur des questions aussi cruciales que le soutien militaire à l'Ukraine.
Cette dynamique électorale dépasse les frontières allemandes, illustrant une tendance européenne à la polarisation et à l’ascension des forces anti-système. L'Allemagne, longtemps bastion de la stabilité européenne, se trouve désormais à la croisée des chemins. Les choix politiques faits dans les prochains mois détermineront non seulement l'avenir du pays, mais aussi celui de l'Union européenne, dans un contexte où les défis, qu’ils soient économiques, climatiques ou géopolitiques, ne cessent de croître.
La tension monte dans les pays Baltes. Cela fait maintenant des années que les pays baltes alertent les autres Etats-Membres sur la menace posée par la Russie pour leur sécurité. De nouvelles étapes ont été franchies depuis, avec la disparition de balises marquant la frontière maritime entre la Russie et l’Estonie, l’augmentation de l’intensité des brouillages électromagnétiques de signaux GPS, ou encore l’augmentation des cyberattaques.
Retour vers le futur ? L’auteur de votre newsletter constate par ailleurs qu’il lui est de plus en plus difficile de dénicher des informations fact-checkées sur les pays Baltes, ce qui n’était pas le cas il y a six mois. Symptôme supplémentaire de la guerre hybride en cours, cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Ukraine en 2021, un an avant son invasion à grande échelle par la Russie. A posteriori, les experts de l’information avaient en effet pu constater que les messages négatifs ou alarmistes sur l’Ukraine s’étaient démultipliés dans les mois précédents l’invasion, dans un but supposé de démoralisation des alliés de l’Ukraine. Gabrielus Landsbergis, ministre des affaires étrangères de la Lituanie, a indiqué se préparer à la possibilité d’une tentative d’invasion russe - tout en soulignant que la puissance militaire de l’OTAN était supérieure à celle de la Russie, si tant est que les différents États du bloc arrivent à se coordonner d’une manière efficace.
Solidarité européenne, et état d’urgence climatique ? Les inondations meurtrières d’Europe du Sud et d’Europe Centrale feront l’objet d’une procédure d’urgence au niveau européen, ainsi que l’a annoncé Ursula von der Leyen. Elle prévoit en effet un déblocage exceptionnel de 11 milliards d’euros, issus du fond de solidarité européen ainsi que du fond de cohésion, c'est-à-dire sans demander de contribution spécifique des Etats-Membres, mais au contraire en puisant dans des fonds déjà provisionnés. Il s’agit d’une première, démontrant la capacité de la Commission à agir de manière de plus en plus autonome en cas d’urgence absolue - un bon signe. Par ailleurs, Donald Tusk a évoqué l’idée de créer un état d’urgence spécifique aux catastrophes naturelles, afin de permettre des réactions plus rapides de la part des autorités publiques.
Commission Européenne - la dream team von der Leyen
Après de longues négociations, Ursula von der Leyen a proposé son collège de commissaires le 17 septembre dernier. Pour rappel, chaque État-Membre nomme un commissaire et si, en théorie, la Présidente de la Commission n’a pas vraiment son mot à dire sur l’identité des personnes proposées, elle peut tout de même influencer le portefeuille qui leur sera attribué - la rendant ainsi particulièrement puissante. Focus.
Parité et droitisation. On le rappelle, les nominés sont choisis par les Etats-Membres, et reflètent donc généralement les tendances politiques au pouvoir. Aussi, on retrouve dans les rangs des commissaires Raffaele Fitto, du parti d’extrême droite de Giorgia Meloni pour l’Italie, mais également Teresa Ribera, des socialistes espagnols eux-même au pouvoir à domicile. Il s’agira néanmoins d’une Commission plus conservatrice que les précédentes. La parité au sein du Collège prend également un coup, Ursula von der Leyen n’ayant pas réussi à faire imposer aux Etats-Membres sa règle de présenter deux candidats, hommes et femmes. Ce sont donc 40% de candidates qui sont présentées cette année.
Le cas Breton. C’était la nouvelle tragédie de la semaine : Thierry Breton ne reste pas à la Commission, ayant annoncé sa démission sur fond de désaccords irréconciliables avec von der Leyen. S’il n’y avait que peu de mystère sur l’inimitié entre ces deux têtes d’affiche de la vie politique européenne de ces dernières années, cette annonce à quelques jours du renouvellement du collège des Commissaires en a surpris plus d’un. Qu’à cela ne tienne, Thierry Breton a été remplacé par Stéphane Séjourné, ancien ministre de l’Europe, et qui aura la charge du portefeuille « prospérité et stratégie industrielle ».
Une centralisation des pouvoirs autour de la Présidente de la Commission. Nous le rappelions plus haut, Ursula von der Leyen a mis la main à la pâte afin de s’assurer que les commissaires lui conviendraient. En particulier, et concernant la répartition des portefeuilles, elle s’est assurée de pouvoir diviser pour mieux régner, aucun commissaire n’ayant trop de compétences. On pense à nouveau au cas Breton, commissaire qui contrôlait plusieurs directions générales, ce que l’on ne retrouve plus dans cette nouvelle mouture. En termes de prochaines étapes, les commissaires doivent tout de même être auditionnés et approuvés par le Parlement européen - une séquence donnant habituellement lieu à des rebondissements de dernière minute, les Parlementaires en profitant souvent pour rappeler qu’ils ont, eux aussi, leur mot à dire. Affaire à suivre !
Le point culture
Amateurs de cinéma, le prix Lux 2025 est ouvert ! Ce prix annuel du Parlement européen met en valeur de manière annuelle des productions ou coproductions européennes. Cette année, 5 films finalistes s’affronteront pour recueillir les votes du public jusqu’en avril 2025. A cette occasion, des projections gratuites sont organisées dans toute la France.
Du dessin animé letton racontant l’histoire d’un chat dans un monde sans humain à la question du rapatriement de trésors béninois en passant par le monde de la nuit grecque, il y en a pour tous les goûts, et il n’est pas rare de retrouver les films finalistes du Lux nominés pour les Oscars ou le Festival de Cannes - témoignage de la grande qualité de la sélection.