Des européennes sous haute tension nationaliste

A dix jours des élections européennes et face à une actualité brûlante, le Mouvement Les Voies interviewe sa Présidente Amandine Rogeon (et oui rassurez-vous, derrière nos notes et analyses se cachent bien des visages) sur l’avenir du Parlement européen face à un cordon sanitaire au bord de la rupture. Nous l’invitons par ailleurs à réaliser le pré-bilan d’une campagne des européennes qui devait battre son plein en France.

Parlement européen : la fin du Golden circle ?

Sujet d’actualité brûlante. Tous les sondages prédisent une progression historique des partis nationalistes au sein du Parlement européen, à savoir une trentaine de sièges supplémentaires, ce qui leur permettrait d’atteindre 1/5ème des eurodéputés. Pensez-vous que l’heure de l’internationale des nationalismes ou l’Alliance européenne des Nations soient arrivées ?

Amandine Rogeon. Pour comprendre l'équilibre des forces politiques au Parlement européen, il faut se pencher sur la composition et les projections des groupes parlementaires, notamment ceux situés à l'extrême droite de l'échiquier politique. Deux groupes principaux se détachent : le groupe Identité et Démocratie (ID) et le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE).

Le groupe ID, avec ses 59 députés actuels, inclut des partis bien connus tels que le Rassemblement National de Marine Le Pen, la Lega de Matteo Salvini, le Vlaams Belang belge et avant ce week-end, l’AfD Allemande (Alternative pour l'Allemagne). En termes de projections, ID atteindrait 71 sièges - sans compter les 17 sièges de l’AfD - soit un renforcement de leur position au sein du Parlement européen.

De l’autre côté, le groupe CRE compte actuellement 68 députés, parmi lesquels on trouve Fratelli d’Italia, le PiS polonais, Vox (espagnol) ou encore Reconquête, le parti d’Éric Zemmour. Les projections pour CRE indiquent un maintien à 68 sièges, montrant une stabilité dans leur représentation parlementaire.

Au-delà de ces deux groupes, il faut également considérer les non-inscrits du Fidesz, le parti hongrois du Premier ministre Viktor Orbán, qui compte 12 eurodéputés. Ce groupe, bien que non aligné formellement avec ID ou CRE, joue un rôle crucial dans l'équilibre des forces de l’extrême droite au Parlement.

En termes de projections globales, sans compter les sièges de l’AfD et du Fidesz, l’extrême droite totalise 139 sièges. En comparaison, le groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) compte 144 sièges. Cependant, en incluant les 12 sièges du Fidesz qui souhaite rejoindre CRE, l’extrême droite atteindrait un total de 151 sièges, devenant de facto la seconde force politique au Parlement européen. Une première !

On ne peut nier qu’il y ait une dynamique significative de l'extrême droite, même en l'absence d'une coalition formelle entre ID, CRE, et les non-inscrits du Fidesz. Ce qui rassemble ces partis, c’est d’abord un ennemi commun : le libéralisme politique avec ce que cela implique en termes de démocratie, d’état de droit, de défense des libertés. Je pense toutefois que les intérêts domestiques, intrinsèquement divergents, primeront toujours sur les rapprochements européens des partis nationalistes.

“Ce qui rassemble ces partis, c’est d’abord un ennemi commun : le libéralisme politique avec ce que cela implique en termes de démocratie, d’état de droit, de défense des libertés. Je pense toutefois que les intérêts domestiques, intrinsèquement divergents, primeront toujours sur les rapprochements européens des partis nationalistes.”

L'exemple le plus emblématique de cette divergence est le clivage entre le parti de Giorgia Meloni et celui de Viktor Orbán sur la question migratoire. Giorgia Meloni souhaite une meilleure redistribution des migrants au sein de l'UE, tandis que Viktor Orbán préfère mettre fin à toute migration en réinstallant les contrôles aux frontières internes de l'UE. Les intérêts de l'une sont donc en contradiction directe avec la vision et la politique de l'autre.

Rappelons également que le 23 mars 2024, Marine Le Pen s'adressait directement à Giorgia Meloni, l'accusant de soutenir la présidente de la Commission européenne et d'aggraver les politiques qui, selon elle, font souffrir les peuples d'Europe. Devant les électeurs de Matteo Salvini, l'adversaire politique désigné par Marine Le Pen était Giorgia Meloni et son parti, Fratelli d'Italia. Ceux-là même à qui elle tend aujourd’hui la main, à la suite de l’exclusion de l’AfD du groupe ID.

Et ces divergences ne cessent de se multiplier, que ce soit concernant la Russie ou l'OTAN par exemple (le groupe ID a un historique prorusse et anti atlantiste, tandis que CRE est antirusse et s'est converti à un atlantisme résolu, renforcé par la guerre en Ukraine).

Rappel des conditions de formation d’un groupe politique au Parlement européen : 23 eurodéputés qui doivent représenter un quart des États membres, soit 7 pays différents.

Il y a un élément particulièrement important que je souhaite souligner. Contrairement au groupe CRE et ses 17 États membres représentés, ID ne dispose plus que de 8 pays en son sein depuis le départ de l’AfD. Si un parti venait à le quitter, cela pourrait remettre en cause son existence comme groupe politique au sein du Parlement européen. Certains des alliés du RN au sein d’ID pourraient passer sous la barre des 5% lors des élections du mois de juin, ce qui fragilise tout particulièrement le groupe. On comprend mieux l’intensité des tractations menées par Marine Le Pen pour former un seul bloc d’extrême droite.

Selon vous, CRE et ID pourraient représenter une force de blocage au Parlement européen et peser sur le futur agenda européen ?

Amandine Rogeon. Ces groupes pourraient effectivement exercer une influence considérable sur les décisions parlementaires et remodeler les priorités politiques du Parlement européen en affectant des domaines clés tels que l’immigration, la souveraineté nationale, et les politiques économiques à condition, et j’insiste sur ce point, qu’ils soient en capacité de coordonner leurs actions, de se mettre d’accord et de construire des relations de travail avec les autres groupes politiques.

CRE a aujourd’hui un rôle décisif, mais si le PPE, par la voix de la Présidente de la Commission européenne, a ouvert une brèche en imaginant une possible collaboration avec CRE, il n’en est pas de même du groupe ID. Le cordon sanitaire qui écarte ID de toute responsabilité officielle au sein du Parlement demeure encore aujourd’hui. Il est crucial de suivre les discussions qui vont définir la construction de la nouvelle majorité au sein du Parlement européen au lendemain des élections. La majorité centriste composée des Verts, de S&D, de Renew et du PPE survivra-t-elle ou laissera-t-elle place à une alliance des droites dures ? Ce choix sera structurant pour la suite de la construction des politiques européennes et aura des conséquences à l'échelle nationale de chacun des Etats membres.

Globalement et pour conclure, il est essentiel de garder à l’esprit que peser numériquement au Parlement européen est crucial mais pas suffisant pour influencer l’agenda européen, ou entraver son processus législatif. Toute législation européenne résulte obligatoirement d’un accord et de négociations entre les trois institutions. Les relations que ces groupes parlementaires sauront établir et entretenir avec le Conseil et la Commission européenne seront donc des facteurs déterminants pour orienter l'agenda politique européen au cours des cinq prochaines années. Quels seront le rôle et la force de Giorgia Meloni en tant que représentante de la troisième puissance politique et économique européenne, la question demeure pleine et entière.

"Il est essentiel de garder à l’esprit que peser numériquement au Parlement européen est crucial mais pas suffisant pour influencer l’agenda européen, ou entraver son processus législatif. Toute législation européenne résulte obligatoirement d’un accord et de négociations entre les trois institutions."


Les élections européennes à la française

Si l’on se recentre sur la France, on voit que les thématiques abordées lors de la campagne face à l’ordre de priorité déterminé par les citoyens français et européens divergent considérablement. Pouvez-vous revenir sur ce point ? Est-ce selon vous une forme d’explication du désintérêt des Français vis-à-vis de ces élections européennes ?

Amandine Rogeon. Ce sujet a été largement négligé, ce qui, à mon avis, constitue une erreur fondamentale. La campagne des élections européennes a abordé de nombreux thèmes, tels que la guerre en Ukraine, l'élargissement de l'Union européenne, l'immigration, la Politique agricole commune (PAC), le Pacte Vert et la démocratie (et la liste est encore longue). Cependant, peu d'entre eux ont fait l’objet de discussions claires et audibles. D’autant plus que les élections européennes, comme souvent en France, sont surtout perçues comme un prolongement des débats qui agitent la société française.

"Les élections européennes, comme souvent en France, sont surtout perçues comme un prolongement des débats qui agitent la société française."

La capacité du Rassemblement National à mettre à l’agenda les enjeux dont il est le porteur et à imposer aux autres formations politiques de venir sur ses thèmes est l’une des clés explicatives de ce phénomène, mais on peut également mettre en avant l’impréparation d’une partie de la classe politique française au jeu politique européen.

En bref, l'opinion publique reste profondément marquée par l’inflation ou le prix de l’énergie, l’immigration n’étant pas en tête de ses préoccupations. Le primat des inquiétudes socio-économiques reste très important dans les faits. Les résultats des dernières enquêtes d’opinion del’Eurobaromètre identifient « notamment la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (33%) et la santé publique (32%) comme les priorités. Les sujets de l’immigration et de l’asile (18%) se retrouvent actuellement en septième position parmi les priorités identifiées par l’ensemble des Européens.

Ce décalage entre les préoccupations des électeurs et les thèmes de campagne des candidats français souligne la nécessité pour les responsables politiques de mieux répondre aux attentes et aux besoins de la population.

La politique française ressemble-t-elle de plus en plus à un puzzle complexe et éclaté ?

Amandine Rogeon. Depuis mai 2023, pas moins de 106 études d’opinion ont été menées. Mais cela ne révèle pas pour autant une dynamique électorale intense. Avec 38 listes en lice, le paysage politique français est plus que jamais fragmenté et les Français perdus.

Penchons-nous sur les résultats. La liste du Rassemblement National menée par Jordan Bardella est créditée de 32,5% des voix (en mai 2023, les intentions étaient de 25%). La liste du parti présidentiel dirigée par Valérie Hayer réunit elle 15,5% des intentions de vote (en baisse par rapport aux 19% de mai 2023). La liste Place Publique/Parti Socialiste de Raphaël Glucksmann suit de près avec 14% des intentions de vote, une nette amélioration par rapport aux 9% de mai 2023 (même sile score demeure très mesuré par rapport à jadis). La liste des écologistes de Marie Toussaint chute à 5,2%, contre 10% en mai 2023. Une tendance similaire est observée chez Manon Aubry, tête de liste de La France insoumise (LFI), dont le soutien est passé de 10% à 7,5% des intentions de vote. François-Xavier Bellamy reste à peu près stable, crédité de 7 à 8% des voix. Enfin, Reconquête, qui est toujours dans la course, a vu son soutien légèrement diminuer, passant de 6% à 5,8%.


Comment expliquez-vous ces projections, à commencer avec le RN de Marine Le Pen et de Jordan Bardella qui domine ces élections ?

Amandine Rogeon. Depuis une décennie, le Rassemblement National se positionne comme grand favori des élections européennes. En 2014, le Front National avait obtenu un score remarquable de 24,86% et confirmait cette tendance avec un score de 23,34% en 2019. Les élections de 2024 semblent être l'aboutissement des aspirations de ce parti politique.

Pour comprendre la dynamique électorale du RN, il faut se pencher sur sa matrice axée sur le rejet des migrants et des politiques écologistes dites “technocratiques”. Un doux son de cloche qui rappelle le Trumpisme, même si le rejet de l'immigration demeure prédominant et décisif. Cette rhétorique peut toutefois être intégrée dans une offre politique plus large, prétendant défendre les modes de vie, les sociétés et les traditions européennes, toutes présentées comme menacées à la fois par l'immigration et par les politiques de transition.


"Pour comprendre la dynamique électorale du RN, il faut se pencher sur sa matrice axée sur le rejet des migrants et des politiques écologistes dites “technocratiques”.


Ce que l’on note par ailleurs c’est l’évolution notable du discours du RN en faveur d’une stratégie de normalisation ou d’un adoucissement, au moins sur la forme. L'idée de quitter l'Union européenne et l'euro a été progressivement abandonnée, notamment à la lumière des répercussions du Brexit. Avec du recul, il apparaît que la sortie de l'UE aurait coûté 140 milliards de livres au Royaume-Uni, sans pour autant atteindre son objectif de réduire l'immigration. Au contraire, les besoins en main-d'œuvre ont continué d'augmenter. Cette réalité a conduit près de 60% des Britanniques à considérer que la décision de quitter l'UE était une erreur.

Il est également pertinent de se demander si l'émergence rapide de Giorgia Meloni sur la scène politique nationale et européenne n'a pas contribué à renforcer la position du parti de Marine Le Pen.


Que pensez-vous de la campagne menée par le candidat Raphaël Glucksmann qui prend de court à la fois la gauche et un parti présidentiel résolument pro-européen ?

Amandine Rogeon. Les réminiscences de la social-démocratie apparues lors de la campagne marqueront certainement un tournant pour la gauche française, qui se trouve actuellement à un carrefour décisif pour son avenir politique. Les élections européennes et surtout l’après élections deviennent le point focal d'une réflexion profonde sur l'émergence d'une alternative à Jean-Luc Mélenchon et le début d'une nouvelle feuille de route pour le pari socialiste, qui semble, je suis désolée de le dire, avoir abandonné sa boussole idéologique. Dans ce contexte, il est essentiel de se pencher sur la dynamique politique de Raphaël Glucksmann, qui propose une stratégie médiatique résolument pro-européenne. Cette approche lui permet de rallier à la fois les déçus du macronisme et les sociaux-démocrates désormais éparpillés.

L'analyse de l'étude IPSOS réalisée pour le CEVIPOF, la Fondation Jean-Jaurès, l'Institut Montaigne et Le Monde de mars dernier analyse les intentions de vote aux européennes en fonction du vote au premier tour de la présidentielle de 2022 et révèle un attrait disons diversifié de Raphaël Glucksmann auprès des électeurs. Il réunit à la fois une partie des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, à hauteur de 24%, de Fabien Roussel également à 24%, de Yannick Jadot à 21%, et d'Emmanuel Macron à 12%. Cette capacité à mobiliser un large spectre électoral souligne l'importance croissante de la voix pro-européenne dans le débat politique français, et suggère la possibilité d'une alternative crédible à Mélenchon et aux forces politiques traditionnelles dans le cadre des européennes. Mais qu’en sera-t-il par la suite ? Le débat est ouvert.

Comment expliquez vous le revers que les écologistes sont en train de vivre, eux qui avaient réalisé un score de 13,5% aux européennes de 2019 et dont les combats sont devenus des sujets du quotidien ?

Amandine Rogeon. Je dirai qu’il y a autant d’explications que de nuances dans le paysage des écologistes. Ce que l’on voit, c’est que l'écologie est devenue un pivot central et surtout structurant de la vie politique française mais aussi européenne, ce qui la transforme presque inéluctablement en un élément clivant. Ce qui fut autrefois une cause est désormais une politique publique à part entière, avec des répercussions significatives en termes de législation sur la vie quotidienne des citoyens, on pense par exemple aux mobilités, au DPE de nos logements, etc.

En parallèle, on assiste aussi à une évolution où la préoccupation du quotidien l'emporte souvent sur les enjeux à plus long terme, l’illustration parfaite c’est la fin du mois qui l’emporte sur la fin du monde, même aujourd’hui. Pourquoi ? Parce qu’il y a un soutien croissant du climato-scepticisme et du climato-relativisme qui reflète une certaine méfiance à l'égard des discours environnementaux et de leurs implications politiques. Les transitions engendrent encore aujourd'hui du déni, de l'incompréhension et du rejet de la part des différentes populations.

Un exemple frappant de cette dynamique est le Green Deal. Des mesures telles que l'interdiction de la vente des voitures thermiques neuves d'ici 2035 illustrent cette approche, suscitant à la fois des espoirs et des inquiétudes car nos sociétés sont profondément dépendantes de l'automobile, un modèle encouragé autrefois par l'État et désormais ancré dans les habitudes de la population. L'écologie représente un symbole majeur de la fracture sociale contemporaine qui met en lumière les tensions et les divisions profondes au sein de la société. Cette question transcende les clivages traditionnels et soulève des défis majeurs quant à la manière dont nous envisageons et abordons les enjeux environnementaux à l'échelle politique et sociale. Nous avons encore un long chemin à parcourir.


Fait assez rare pour être noté, la France Insoumise semble presque invisible dans cette campagne, comment l’expliquez-vous ?

Amandine Rogeon. La France Insoumise est une force politique majeure en France et cela depuis 2017, avec un score de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles qui avoisinait les 19,5%. Cette tendance s'est d'ailleurs accrue en 2022, quand le candidat de LFI a obtenu un score encore plus important : 21,95% au premier tour, soit environ 7,7 millions de voix. Cela s'accompagna de l’envoi de 150 députés de la NUPES à l'Assemblée nationale, en faisant de LFI la première force d’opposition.

Et pour les européennes ? La liste menée pour la seconde fois consécutive par Manon Aubry est créditée de 7,5% des voix, soit un peu plus qu’en 2019. Ces chiffres suggèrent tout simplement l'absence d'une dynamique mise en place par l’organisation, avec une ambition claire de Jean-Luc Mélenchon tournée vers les élections de 2027 plutôt que vers les élections européennes.


Parlons peu, parlons bien, le candidat François-Xavier Bellamy mène-t-il une campagne à la hauteur des ambitions de LR ?

Amandine Rogeon. Nous nous rappelons toutes et tous que la campagne des européennes de 2019 déjà menée par François-Xavier Bellamy, avait été considérée comme un échec à l’époque. Échec néanmoins relativisé depuis le score réalisé par Valérie Pécresse lors de la présidentielle de 2022. Il semble que les projections lors des européennes de 2024 soit en accord avec les ambitions de LR. Leur décision publique de ne pas soutenir la reconduction d'Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne risque cependant de les marginaliser davantage, mais a le mérite de poser des lignes rouges.


Pour terminer (du moins sur ce sujet) que peut-on dire de la campagne menée par la tête de liste de la majorité présidentielle, Valérie Hayer ?

Amandine Rogeon. Le camp de la majorité présidentielle se retrouve confronté à des défis majeurs dans cette campagne électorale. Dès le début, la campagne a été mal engagée, marquée par un lancement tardif, une tête de liste peu connue et une sous-estimation de l'enjeu électoral, ce qui a obligé le Président Emmanuel Macron à s'impliquer personnellement (discours de la Sorbonne II, proposition de débat à Marine Le Pen). L'exposition accrue du président et de sa majorité est d'autant plus problématique que le Rassemblement National tente de transformer ces élections en un vote anti-Macron, perçu comme une possible sanction de la politique gouvernementale, sur le modèle des "midterms" américaines.

À ce stade, c'est Raphaël Glucksmann qui semble mener une campagne résolument européenne, empiétant ainsi sur un terrain qui était auparavant dévolu à la majorité présidentielle. Quel que soit le résultat final, l'éventualité d'une défaite annoncée de la majorité sur un sujet aussi central dans son discours laisse présager une crise politique.


Et le mot de la fin, selon-vous quel sera l’avenir des partis politiques en France ? (rien que ça)

Amandine Rogeon. Si vous me demandez d’abord comment interpréter ces résultats, c'est une question complexe, pour laquelle il n'existe pas de réponse unique et définitive. Ce que l'on peut observer, c'est un sentiment général de malaise et d'insécurité nourri au quotidien par une multitude de faits que je ne souhaite pas citer, les médias s’en font déjà très bien les relais.

Dans ce contexte, le Rassemblement National se présente comme un rempart. Ce parti propose un récit national qui semble répondre aux inquiétudes qu'il a lui-même parfois suscitées ou attisées avec des solutions rarement concrètes ou crédibles.

Une réflexion plus large nous amène aussi à considérer la défiance croissante envers la démocratie et son fonctionnement en France au cours des dernières années. Pour que le pouvoir démocratique soit efficace, il a besoin de la confiance du peuple. Or, celle-ci semble s'effriter, compromettant le dialogue politique et la capacité à construire un avenir commun. Il est désormais essentiel de renouer avec un débat politique constructif, basé sur l'échange et l'avancement collectif.

Actuellement, les discussions politiques semblent souvent se heurter à des malentendus. C'est un révélateur du manque de vision globale et des difficultés des politiques à envisager l'avenir de la France. Ce dont nous avons besoin, c'est de décideurs porteurs d'une vision universaliste, capable de projeter la France dans un futur où chaque citoyen se sent concerné et représenté.

C’est notamment la raison pour laquelle nous avons fondé Les Voies, pour renouveler l’avenir à travers une dynamique idéologique et programmatique progressiste qui est réellement en phase avec les besoins et les attentes de la société.