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Europe en désordre, climat en surchauffe : la newsletter des Voies dédiée à un été politique brûlant

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L’édito de Claire

Chers lecteurs,

C’est avec plaisir que je prends la plume et le relais de la Présidente pour signer l’édito de cette newsletter. Alors que l'été s'installe, l'actualité politique nous rappelle que les débats et les tensions ne prennent pas de vacances : difficile de savoir où donner de la tête dans cette torpeur estivale, durant laquelle chaque faction politique tente de susciter l’intérêt des citoyens à grands coups de petites phrases, tout en semblant se chercher des bases idéologiques solides.

En témoignent les atermoiements que nous voyons au sein du gouvernement français : Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, se permettant de tancer vertement par voie de tribune le travail de sa collègue Agnès Pannier-Runacher, ministre de l’Ecologie.

Cette querelle au sein du gouvernement met en lumière des désaccords profonds sur la politique énergétique de la France, et les moyens de lutter contre le changement climatique, le tout sur fond de climato scepticisme ambiant. Alors pour ceux d’entre vous qui ont prévu de passer l’été au bord de notre belle mer méditerranée, les températures record de la mer atteignant des sommets inédits pour un mois de juin (jusqu’à 30°c !) seront là pour nous alerter sur les bouleversements climatiques en cours. Et qui dit hausse des températures de l’eau, dit hausse du niveau de la mer, une réalité qui sera très visible pour ceux qui se rendront sur l'île d'Oléron ou l'île de Ré !

Cependant, l'été 2025 ne sera pas seulement marqué par des défis environnementaux. L'instabilité géopolitique et les problèmes de pouvoir d'achat pèsent lourdement sur les esprits. En termes de destination, les Etats-Unis n’ont plus la côte, avec une baisse de 11% des réservations vers cette destination, signe que l'incertitude et les tensions géopolitiques actuelles affectent même nos moments de détente.

Du côté des Voies, nous nous engageons vers un été studieux, afin de peaufiner la rentrée des classes politique, et d’avancer sur notre grand projet : une plateforme programmatique inspirée des meilleures pratiques des États-Membres de l’Union européenne en vue des échéances électorales à venir.

Je vous donne donc rendez-vous en septembre, et vous souhaite un bel été !

Claire Scharwatt, Vice-Présidente des Voies

En juin, on a tenté de faire rentrer des ronds dans des carrés

Il n’y a pas qu’en France que le paysage politique est illisible - regardez Bruxelles.A Paris, les Républicains votent de plus en plus avec l’extrême droite, et de moins en moins avec les autres partis de gouvernement, et ça commence à se voir. Pour notre plus grand déplaisir, cette tendance se confirme à Bruxelles, le groupe de droite PPE votant toujours plus avec le groupe ECR - qui réunit Marion Maréchal-le-Pen avec les députés du parti de Giorgia Meloni, ou encore l’extrême droite polonaise.

Or, la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est issue du PPE - suscitant des rappels à l’ordre et autres menaces de motion de censure de la part des sociaux-démocrates et des libéraux, avec lesquels le PPE est censé être en coalition.

L’extrême droite (encore elle) a tenté de s’infiltrer dans cette brèche en soumettant une motion de censure au vote - une première depuis 2014. Cette motion n’a quasiment aucune chance d’aboutir, les socialistes et libéraux refusant de passer outre le cordon sanitaire. Mais le climat d’instabilité est là, et il y a fort à parier qu’un travail de clarification des positions des uns et des autres aura lieu dans les prochains mois afin de tenter de ramener une sorte de cohérence au sein des groupes parlementaires.

A l'OTAN, un compromis obtenu péniblement sur les financements de la défense : les pays membres de l’Otan se sont engagés sur un objectif commun de 5% du PIB consacrés à la défense d’ici à 2035 - cédant à la fois à des demandes de Donald Trump, mais également à un impératif de réalité dû à la progression de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces 5% devront être composés de 3,5% d’investissements “en dur”, à savoir dans les armées ou encore des munitions, le restant étant dévoué à des investissements plus structurels, par exemple dans le domaine des transports, ou de la cybersécurité - donnant ainsi par exemple à l’Italie la tentation de reclasser son projet de construction d’un pont entre le continent et la Sicile en “projet-Otan”.

Stéphane Séjourné, de son côté, souhaite également insuffler une vision plus politique à ces objectifs financiers, et plaide pour un “traité de défense européen” au sein du collège des Commissaires, pour apporter cohérence et cohésion.

Les Etats Membres rendent leurs copies sur le budget de la Commission. Contrairement à la France, qui détermine son budget de manière annuelle, la Commission est tenue par un cadre double : celui du budget pluriannuel, définissant une trajectoire de dépenses ainsi que des montants maximums sur six ans, dans lequel s’inscrivent, année après année, des budgets annuels devant rester à l’équilibre. Pensé pour assurer continuité et lisibilité, le cadre pluriannuel se prépare longtemps à l’avance : le prochain devra en effet débuter à la fin 2027, mais les Etats Membres planchent déjà dessus, utilisant leurs meilleures boules de cristal pour tenter d’apporter une stabilité financière au bloc.

Aussi, nous avons appris avec plaisir que la France et l’Allemagne exploraient la possibilité de rendre une copie commune, signe que le rapprochement est bien en marche. De leur côté, les socio-démocrates se rebiffent contre la proposition de la Commission de prioriser l’industrie et la défense au détriment de l’enveloppe sociale.

Le budget pluriannuel, une méthode à retenir ? C’est en tous cas ce qu’appelle de ses vœux Clément Tonon, conseiller politique d’Edouard Philippe dans son dernier livre, dédié au besoin de retrouver du temps long en politique. L’idée mérite d’être creusée : un budget programmatique sur l’ensemble d’un quinquennat présidentiel permettrait de donner de la visibilité sur les politiques publiques à venir, mais également peut être d’instaurer un cadre laissant moins de place à la culture de la législation sur la base d’un fait divers, que les Voies dénoncent régulièrement.

Pour cet été, pas d’accalmie en vue

Sur le front, cela ne sera en tous cas pas le cas : l’arrêt de le la livraison d’armes des États-Unis vers l’Ukraine se fait sentir d’une manière brutale, avec parfois plus de 500 missiles lancés en une nuit sur des villes et aucun ne pouvant être intercepté. Si l’armée Russe n’a que peu d’espoirs d'obtenir de réelles avancées sur le front, les experts parlant d’une temporalité de deux ans pour conquérir en entier la seule région de Donetsk, la nouvelle stratégie est claire. Bombarder des civils dans la nuit, à l’école, au travail, pour obtenir un cessez-le-feu en forme de reddition aux conditions de Vladimir Poutine.

On vous rappelle sa proposition actuellement sur la table : une Ukraine démilitarisée, “dénazifiée” (c’est à dire sur la base d’un système politique choisi par le Kremlin), abandonnant ses ambitions européennes.

Quelle réaction européenne ? Pour l’instant (et c'est le thème consacré par cette newsletter) aucune, et ce faute de consensus. La Hongrie et la Slovaquie multiplient les mesures de blocage de nouveaux trains de sanction, et les Etats Membres volontaires commencent à atteindre leurs propres limites budgétaires. Alors, on commence d’ores et déjà à voir certains pays entamer des démarches de leur côté, à l’image des Pays-Baltes qui examinent actuellement la possibilité de sortir de la Convention d’Ottawa - comprendre par là : poser des mines anti personnelles à leurs frontières avec la Russie et la Biélorussie.

Du côté des Voies, nos yeux se tournent vers la Moldavie. Si, vous savez, ce pays enclavé coincé entre la Roumanie et l’Ukraine, et dont l’est est contrôlé par des séparatistes russes ? Malgré une forte campagne de désinformation russe, leur présidente pro-européenne avait réussi à se faire réélire en 2024, mais elle n’est pas au bout de ses peines. Le pays se rendra aux urnes en septembre pour y élire son parlement, et donc choisir un nouveau Premier ministre. Il y a donc fort à parier que cet été sera animé par des tentatives de déstabilisation dans la région.

Et il faut dire que, là encore, l’Union européenne ne fait rien pour aider (attention, c’est la partie technique). Souvenons nous, il y a quelques années, la Moldavie a connu son mini-Euromaïdan : de grandes manifestations avaient secoué le pays afin de lutter contre le pouvoir pro-russe et corrompu en place, ce qui avait débouché sur l’élection de Maia Sandu en tant que Présidente de la République en 2020 - marquant une phase de rapprochement soutenu avec l’Union européenne. Et depuis, le pays a fait des progrès significatifs en matière de lutte contre la corruption et de transposition du droit de l’Union européenne. Il est d'ailleurs, depuis 2022, officiellement candidat au statut d’Etat Membre de l’Union européenne.

Problème : sa procédure est couplée à celle de l’Ukraine, qui fait l’objet d’un veto de la Hongrie. En clair, à date, quels que soient les progrès de la Moldavie, ils n’ont aucune chance de devenir le 28ème Etat Membre tant que Viktor Orban bloque toute avancée sur la candidature ukrainienne. La tension entre Chisinau et Bruxelles est donc montée d’un cran et il y a fort à parier que la faction moldave pro-Europe fera pression sur la Commission cet été afin de pouvoir fournir des perspectives d’adhésion sérieuses à ses électeurs - et que ce sujet sera instrumentalisé à corps et à cris par le camp pro-russe.

On croise les doigts, et on se revoit en septembre : le mouvement Les Voies s'en va prendre sa pause estivale habituelle, et revient dans votre boîte de réception début septembre. D’ici là, nous espérons des réactions fortes et coordonnées des chefs d’Etat européens en faveur, en général, des droits de l’Homme, et des valeurs progressistes qui ont toujours animé l’Union européenne. Alors, on relit encore ces extraits du discours de l’horloge de Robert Schuman, qui n’ont pas pris une ride 75 ans après :

"La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques.
[...]
L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait."