Démocraties en turbulence : que retenir des deux dernières semaines ?

Edito de la Présidente des Voies

Chers membres des Voies, chers amis,

Ces deux dernières semaines ont été marquées par une intensité politique qui ne peut laisser indifférent. Aux États-Unis, le retour de Donald Trump à la tête des Etats-Unis en janvier prochain incarne une polarisation croissante et un défi renouvelé pour la stabilité démocratique mondiale. Quant à Allemagne, l’annonce d’Olaf Scholz de mettre fin à la coalition et d’organiser des élections législatives anticipées début 2025 révèle les fractures internes d’un modèle pourtant longtemps vu comme un pilier de stabilité en Europe.

Ces événements ne sont pas des accidents isolés. Ils traduisent un climat global d’incertitudes, où la défiance vis-à-vis des institutions démocratiques s’accroît, et où les citoyens expriment de plus en plus leur désarroi face à des systèmes politiques perçus comme déconnectés de leurs attentes. Les temps sont troubles, et ils appellent à des réponses fortes.

Il ne s’agit pas pour autant de céder au fatalisme. Nous devons voir dans cette période un appel à repenser notre modèle démocratique. Cette crise de confiance est aussi une opportunité de réinventer nos pratiques, nos outils et nos discours pour répondre à cette attente fondamentale : redonner aux citoyens une place centrale dans la vie politique.

En France, l’échéance des élections municipales de 2026 représente une opportunité majeure pour reconnecter les citoyens à la politique grâce à des projets qui répondent à leurs besoins quotidiens. Les élus et candidats auront une responsabilité historique : renouveler l’avenir.

Le mouvement Les Voies est pleinement engagé dans cet effort. Nous travaillons activement à l’élaboration de propositions programmatiques concrètes pour accompagner et inspirer cette reconquête. Notre conviction est claire : face aux turbulences actuelles, les solutions ne viendront pas des extrêmes ni du repli, mais d’une capacité collective à construire un projet démocratique, inclusif et résilient.

En évoquant cette période de bascule, nous voulons aussi vous inviter à être des acteurs de ce moment charnière. Plus que jamais, nous devons nous mobiliser pour transformer les inquiétudes en une force de proposition et d’action. Ensemble, nous pouvons écrire une nouvelle page pour nos démocraties.

Amandine Rogeon


Deux semaines dans le monde d’après

Rappel des faits

Le 6 novembre 2024, Donald Trump a officiellement été réélu à la Présidence des États-Unis d’Amérique, au terme d’une campagne électorale hors normes lui permettant de récolter 3 millions de voix de plus que sa concurrente, Kamala Harris. Cette victoire offre également aux Républicains la majorité des sièges à la Chambre des Représentants et les rapproche d’une majorité au Sénat, garantissant ainsi au nouveau Président une réelle marge d’action pour les quatre prochaines années.


Le même jour sur le continent européen, le gouvernement de coalition allemand a annoncé le départ du parti des libéraux, perdant de facto sa majorité au Parlement. Si le gouvernement doit encore rester en place quelques semaines, le temps d’achever les affaires courantes, de nouvelles élections parlementaires devraient toutefois avoir lieu le 23 février 2025.


Vendredi 15 novembre, sans doute dans le but de préparer sa campagne électorale, le chancelier allemand Olaf Scholz a téléphoné à Vladimir Poutine, malgré les remontrances de ses homologues ukrainiens et polonais. Son but ? Appeler le Chef de l’Etat Russe à la table des négociations. La réaction ne s’est pas faite attendre, la Russie a déclenché une pluie de frappes massives sur l’Ukraine ce week-end.


Dimanche 17 novembre, Joe Biden, suivi de très prêt par Emmanuel Macron et Keir Starmer, ont autorisé l’Ukraine à utiliser des missiles longues portées pour frapper le sol russe.


Cette semaine se poursuivent par ailleurs les négociations au sein de l’Union européenne entre les parlementaires qui doivent valider, ou non, les Commissaires proposés par Ursula von der Leyen. Et, sans surprise, les sélections italienne et hongroise font grincer des dents chez les centristes, sociaux-démocrates et les verts. La droite du PPE, de son côté, pourrait bien décider sur ce point de s’unir avec les groupes d’extrême droite pour valider les nominations, et donc mettre fin pour de bon à la coalition anti-extrême qui prévalait jusqu’alors.


Et maintenant ?

La balance penche en faveur des démocraties illibérales, c’est à dire des démocraties en apparence tout à fait fonctionnelles, mais au sein desquelles l’équilibre des pouvoirs est remis en question, l’égalité entre citoyens n’est plus garantie, ou encore où l’indépendance des médias est remise en question. Un exemple particulièrement parlant est celui de la Hongrie, toujours plus engagée dans cette tendance, dans laquelle s’inscrit également l’Italie.


Il ne s’agit pas QUE d’une question de chiffres : la question n’est pas de savoir si les démocraties illibérales emportent une majorité de nombre au sein de l’Union européenne ou de l’OTAN, mais celle de la diffusion des idées - l’élection de Donald Trump offrant une caisse de résonance très largement amplifiée à ces tendances. Ainsi, Viktor Orban a été l’un des premiers à s’entretenir avec Donald Trump après son élection, et Giorgia Meloni est connue pour entretenir une amitié profonde avec Elon Musk, dont la plateforme X permet aux idées extrémistes et populistes de trouver écho, et surtout leur place dans le discours commun. Les promoteurs européens de la démocratie illibérale ont maintenant un allié de poids, légitimé par un vote populaire sans commune mesure, ce qui n’était pas le cas en 2016.


L’Europe pourrait de plus faire face à une paralysie interne. L’ouverture du PPE à l’extrême droite au Parlement européen, ou encore les divergences de vue des chefs d’Etat sur la conduite à tenir pourraient empêcher l’Union européenne de mettre en place des réformes nécessaires pour gérer à la fois une guerre à ses frontières, et une guerre commerciale et économique.


Les solutions sont pourtant sur la table, un travail de fond ayant été engagé ces derniers mois. Les rapports Letta, Draghi, Niinistö fournissent de manière conjointe une manière de renforcer le marché unique, d’atteindre une politique industrielle et économique permettant de faire face aux géants chinois et américains. Chaque État a, de son côté, travaillé sur un scénario stratégique d’anticipation d’un éventuel retour de Donald Trump, et l’augmentation de la capacité militaire des pays proches de l’Ukraine ou de la Russie a fait l’objet d’investissements majeurs.


Alors, prêts pour le 20 janvier 2025 ? C’est en tous cas la date-limite informelle que se sont fixés la plupart des chefs d’Etat, car elle marque dans les faits le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. La tâche ne sera pas aisée pour la France et sa paralysie politique du moment, ou pour l’Allemagne qui est déjà en pleine campagne électorale. Nous pourrions cependant nous rappeler qu’à eux deux, ces États disposent de capacités militaires et industrielles conséquentes, et sans doute suffisantes pour faire face aux prochaines étapes et qu’ils ont su, par le passé, avancer ensemble de manière coordonnée et conjointe.