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État de droit, extrême droite, clause de la nation la plus favorisée : les combats de l’Europe

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L’édito d’Amandine

Chers membres des Voies, chers amis,

On accuse souvent les progressistes d’être naïfs, et pourtant, dans le vacarme politique ambiant, je considère qu’il y a une forme de courage à tenir la ligne du droit et à défendre, sans relâche, cette exigence invisible qui fonde la société : notre État de droit.

La condamnation de Marine Le Pen en est un révélateur au regard des réactions qu’elle a suscitées. Nous avons vu se succéder une mise en accusation des juges, une suspicion d’ingérence des institutions et une énième tentative de disqualification du pouvoir judiciaire par le pouvoir politique, ce qui est un comble. Je voudrais aujourd’hui que l’on mette des mots sur ces pratiques, car elles s’apparentent tout simplement à du populisme autoritaire. Ce qui est intéressant, c’est de voir qu’elles ne sont pas l’apanage de régimes lointains. Ce sont les mêmes ressorts qui ont permis de basculer dans la mise au pas des contre-pouvoirs que ce soit aux États-Unis, en Hongrie ou en Turquie. Rappelons-nous que le respect du droit est toujours le premier domino à tomber.

C’est pourquoi au sein des Voies, nous avons choisi de mettre le droit au cœur de notre matrice politique. Parce que sans lui, il n’y a tout simplement pas de justice sociale, ni d’égalité devant la loi, et encore moins de libertés garanties aux citoyens. Raison pour laquelle nous considérons qu’il faut s’opposer à ceux qui voudraient que la démocratie soit une force brute, au service d’une majorité silencieuse construite de toutes pièces.

Ce combat ne peut toutefois pas être mené seul. Il doit s’inscrire dans une stratégie d’élévation des droits plus globale, notamment en créant les conditions concrètes du progrès. Et c’est ici qu’intervient la clause de la nation la plus favorisée, ce principe qui nous engage à tirer le meilleur de chaque pays européen pour construire nos politiques publiques de demain.

Cette clause, nous la proposons aujourd’hui comme rempart contre les dérèglements de l’ordre international. Car si nous laissons s’effriter les cadres communs, si nous abandonnons les règles qui nous protègent, nous, citoyens, au profit d’une jungle des rapports de force, c’est nous qui paierons l’addition.

Les combats pour la justice, qu’ils soient juridiques, sociaux ou géopolitiques sont liés. Et ce qui se joue en Roumanie, en Finlande ou à Strasbourg dessine les contours de notre propre futur démocratique.

Face à l’extrême droite et ceux qui rêvent d’une démocratie sans juges, sans contre-pouvoirs et surtout sans mémoire, nous choisissons de faire du droit une promesse et de ne jamais céder ni sur la méthode.

L’engagement se construit aussi dans ces moments de lucidité. Plus que jamais, nous aurons besoin de vous dans les mois à venir.

Amandine Rogeon, Présidente des Voies

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Rétrospective

Le retour de l’Allemagne dans le jeu : le mois d’avril a été occupé outre-Rhin par la finalisation des discussions de coalition entre les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD. Elles se sont concrétisées dans un document de 146 pages qui, sauf surprise de dernière minute, devrait servir de base à l’action de l’Allemagne ces prochaines années.

Qu’en retient-on ? D'abord un profond changement de doctrine : l’Allemagne, d’habitude très libérale et encline à entretenir une multiplicité de partenaires (on se souvient de Nord Stream avec la Russie, ou des achats massifs d’armes US), semble pousser une politique beaucoup plus centrée sur l’Europe, et des partenariats stratégiques internes. Ainsi, le futur Gouvernement entend relancer l’amitié franco-allemande, renforcer ses liens avec la Pologne ou encore augmenter son soutien militaire à l’Ukraine. Et pour les prochaines étapes : le Gouvernement sera formellement institué le 6 mai !

La lutte contre l’extrême droite se muscle : l’agence de protection de la constitution, équivalent allemand de la DGSI, a conclu le 2 mai que l’AfD était bien une organisation de droite extrême. Cette classification, si elle n’est pas surprenante, est intéressante à deux égards : premièrement, elle permet aux services allemands de disposer de pouvoirs d’enquête renforcés, mais surtout, elle met en exergue le caractère “incompatible avec la démocratie” de cette idéologie. Dans sa communication au public, l’agence précise par ailleurs que sa décision est rendue non seulement en se fondant sur le programme du parti, mais également sur les agissements de ses membres.

En tant que comparatistes, cette décision nous interpelle évidemment, notamment dans un contexte français où l’on décorrèle bien trop souvent les actions des militants, voire des candidats, de celles du parti. On se souviendra par exemple du florilège de candidats négationnistes du Rassemblement National aux dernières élections législatives, ou encore des liens avérés avec de nombreux cadres du parti et le GUD.

En Finlande, échec électoral de l’extrême droite. Le 13 avril dernier se sont tenues les élections municipales en Finlande, qui ont vu l’extrême-droite s’effondrer dans les urnes. Le “Parti des Finlandais”, qui était devenu la deuxième force politique du pays lors des législatives de 2023 et avait réussi à entrer au Gouvernement par le biais d’une coalition des droites et de l’extrême droite, a été sanctionné et recalé à la place de sixième force politique du pays, avec une division de ses voix par deux. Dans le même temps, les sociaux-démocrates de Finlande atteignent 23% des voix totales, s’emparant de plusieurs villes majeures telles que Tampere. Helsinki, de son côté, reste aux mains du centre-droit.

Ce que l’on suivra en mai

La saga roumaine : Le dimanche 18 mai prochain, les Roumains se rendront à nouveau aux urnes afin d’élire leur futur Président. Souvenez-vous, le premier tour des élections, en novembre dernier, avait été annulé sur fond de manipulation massive des réseaux sociaux, résultant en la victoire surprise d’un candidat pro-Poutine inconnu au bataillon quelques semaines auparavant. Depuis, ce candidat et une grosse partie de son équipe ont fait l’objet de perquisitions, et même d’arrestations, résultat des courses, ce dernier ne peut se représenter.

Qu’à cela ne tienne, la ligne pro-Poutine aura été dignement représentée dimanche 4 mai, à l’occasion du premier tour des élections, en la personne de George Simion, de l’Alliance pour l’Unité des Roumains. Un parti nationaliste qui a pour objectifs l’établissement d’une terre d’accueil pour l’intégralité des roumains, en passant par une petite annexion ni vu ni connu de la Moldavie. Simion, et ses idées, ont très largement remporté le premier tour, avec 40% des voies - très loin devant le centriste et actuel maire de Budapest Nicușor Dan, qui a obtenu 21%.

La Roumanie, qui partage une frontière substantielle avec l’Ukraine et la Moldavie, est au cœur du jeu européen de ces prochaines années. Une victoire pro-Poutine réduirait sévèrement le nombre de cartes encore à la main de l’Union européenne.

Et tant que l’on parle d’élections, un petit détour par le Vatican, où le conclave de succession du Pape François, décédé le 21 avril, débutera le 7 mai. Si cette élection peut paraître anecdotique pour nos pays de traditions séculières, elle aura tout de même un certain poids en termes d’équilibres mondiaux. Si François avait défendu une certaine radicalité environnementale et économique et fait de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion son cheval de bataille, certains des prétendants au poste, tel que l’ultra-conservateur américain Raymond Burke, ou encore Péter Erdő poussé par Viktor Orban pourraient signer un volte-face de l’institution en la matière.

Moindres enjeux : le 17 mai se tiendra la 69ème édition de l’Eurovision, concours paneuropéen réunissant les représentants de 37 états dans une lutte acharnée pour remporter le prix de la meilleure chanson de 2025. A priori, pas grand chose à voir avec nos actualités politiques ? Que nenni, si la compétition est censée rester neutre, certains participants n'hésitent pas à faire passer quelques messages, plus ou moins subtiles. Ainsi, la Géorgie a sobrement intitulé sa chanson de l’année “Freedom”, alors que la chanson grecque parle de la cause des réfugiés.

On constate également que cette édition met la francophonie à l’honneur, avec pas moins de 5 chansons intégralement ou partiellement en français. Et si les bookmakers ont raison, la Suède pourrait devenir le pays le plus titré de l’histoire de l’Eurovision, l’ôde à l’art du sauna Bara bada bastu étant largement favorite.