---

L’avenir des jeunes et des seniors : qu'en est-il du pacte intergénérationnel du travail ?

Partager cet article :

Le contrat social français vacille aujourd'hui, et en particulier sous le poids de la fracture démographique. Raison pour laquelle, la question du travail nous intéresse tout particulièrement au sein des Voies, notamment pour nous atteler à réconcilier les générations, dans un pays où disons-le les jeunes peinent à entrer sur le marché de l’emploi et les seniors à y rester.

C’est à cette interrogation fondatrice que s’est attaquée la table ronde : L’avenir des jeunes et des seniors dans l’entreprise, modérée par Amandine Rogeon, présidente et co-fondatrice de notre mouvement, lors de la 8ème édition des Rencontres de l’Avenir à Saint-Raphaël, réunissant quatre intervenants : Olivier Dussopt, ancien ministre du Travail, Claudia Montero, présidente d’Eurogroup Consulting, Guillaume Moukala Samé, économiste au cabinet Asterès, et Antoine Prodo, directeur délégué de Galileo Global Education.

Un contrat social en perte d’équilibre

En ouverture, Amandine Rogeon a rappelé les fondements du pacte social français né en 1945 :

« dans l'imaginaire collectif, les actifs financent les études des jeunes, les retraites des anciens et finalement la cohésion toute entière du pays. Ce modèle, qui fut celui d’une France en pleine expansion démographique, repose sur une base devenue tout à fait anachronique ».

Aujourd’hui, a-t-elle souligné, les 25-54 ans portent jusqu'à 80% des emplois alors qu’ils représentent 40% de la population. Et ce déséquilibre structurel est la conséquence d’un vieillissement rapide et d’un marché du travail encore trop cloisonné qui met à mal la promesse d’égalité des chances et la confiance intergénérationnelle.

Or, le coût de la vie et la précarisation des parcours demeurent les premières inquiétudes des Européens (selon l'Eurobaromètre de la Commission et du Parlement européen), il s’agirait ainsi de penser des solutions permettant aux jeunes comme aux séniors d’accéder ou demeurer dans un emploi rémunérateur et gratifiant qui assure leur émancipation.

Des fractures structurelles

L’économiste Guillaume Moukala a planté le décor en rappelant que la France (malgré ses performances globalement correctes) reste confrontée à une double fracture générationnelle et qualitative. Car nous avons des jeunes sur-qualifiés et précaires, mais aussi des seniors compétents mais écartés des dynamiques d’innovation à cause de leur âge et de leur trop grande expérience.

Le risque, a-t-il averti, c’est une société à deux vitesses dans laquelle on opposerait ceux qui s’adaptent à la transition et ceux qui en sont de facto exclus... Pour lui, la clé n’est pas tant dans la réforme des aides que dans la reconfiguration structurelle du marché de l’emploi autour des compétences de demain, en anticipant les effets conjoints de l’intelligence artificielle, de la transition écologique et du vieillissement de la population.

Olivier Dussopt appelait à ce titre à sortir de l’obsession française du taux de chômage pour s’intéresser au taux d’emploi, plus révélateur selon lui de la vitalité économique réelle de notre pays.

« Le débat public s’enferme dans une logique de symptôme, pas de solution. Nous avons progressé sur la formation et l’apprentissage, mais la question de la qualité de l’emploi reste ouverte. Une bonne politique de l’emploi, c’est plus de personnes en emploi, mais aussi plus d’emplois productifs ».

L’ancien ministre a ainsi souligné l’efficacité du Plan d’investissement dans les compétences, notamment pour les publics infra bac et les seniors éloignés du marché du travail, tout en appelant à mieux articuler les dispositifs entre État, entreprises et territoires.

Antoine Prodo, représentant du monde de l’enseignement supérieur, a replacé le débat sur le terrain de l’apprentissage tout au long de la vie. Il plaide pour un continuum formation-emploi, où les murs entre l’école et l’entreprise s’effacent au profit de parcours modulaires, mixtes, et ancrés dans les réalités économiques car il est temps d'en finir avec la hiérarchie implicite entre filières générales et professionnelles.

Enfin, Claudia Montero a replacé l’entreprise au centre du nouveau pacte générationnel.

« L’entreprise est un espace politique, au sens noble du terme : un lieu où se réinvente le lien social. Elle doit devenir apprenante, c’est-à-dire capable d’organiser la transmission et la montée en compétences tout au long de la vie ».

Le tutorat intergénérationnel, y compris inversé, peut être un levier de transformation puissant.

« Quand un jeune forme un senior ou inversement il n’y a pas seulement transfert de compétence, mais reconnaissance mutuelle. »


Cette table ronde a montré que la question de l’emploi des jeunes et des seniors dépasse le cadre des politiques publiques et touche à la philosophie même du vivre-ensemble dans une société en transition (teasing : une prochaine note de réflexion, avec des propositions à la clé, sera très prochainement publiée sur l'accès des jeunes à l'emploi).